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Rue du Blogule Rouge Insoumis

Rue du Blogule Rouge Insoumis

Dans la rue du blogule rouge on s'intéresse à toutes les affaires de la cité et des citoyens.

Publié le par rue du blogule rouge

Néocolonialisme ? Fallait-il vraiment intervenir militairement au Mali ?

En envoyant son armée au Mali, la France est-elle simplement en train de réendosser son costume passé de pays colonisateur ?

Oui, répond, entre autres, la Fédération mondiale des syndicats, qui proclame : « La France continue à utiliser les bases militaires qu’elle maintient en Afrique pour renforcer son rôle dans la compétition capitaliste et servir les intérêts de ses monopoles qui pillent les richesses du continent (or, uranium, etc.)". En dépit de l’accueil chaleureux des Maliens pour les Français, des interprétations identiques continuent à apparaître dans la presse malienne. Il est impossible de prouver ou d’infirmer ces allégations de colonialisme ou d’impérialisme dans les motivations de la politique étrangère française.

C'est pourquoi il n'est pas inutile d'effectuer un petit rappel à propos des ressources minérales maliennes :

Gaz et pétrole

Le 6 janvier 2012, Total signait deux nouveaux permis d’exploration pétrolière avec les autorités mauritaniennes. L’un d’entre eux concernait le bassin de Taoudéni, qui chevauche la Mauritanie, le Mali et l’Algérie. Côté malien, la prospection pétrolière, dans ce même bassin, avait été confiée en novembre dernier à l’angolais Petroplus. L’algérien Sonatrach n’est pas en reste, via sa filiale Sipex, alliée à l’italien ENI. « Il ne faut pas oublier que notre pays est sur la même structure géologique que les pays voisins qui exploitent déjà le pétrole », exposait récemment Baba Diawara, directeur général de l’Autorité pour la promotion de la recherche pétrolière au Mali (Aurep).

C’est pourquoi beaucoup disent que la principale raison qu’a la France d’ intervenir au Mali est qu’elle convoite les ressources minérales du pays. Le site web "globalresearch.ca" exprime ce point de vue  : « Le but de cette nouvelle guerre n’est rien d’autre que de piller encore les ressources naturelles d’un autre pays en en sécurisant l’accès  pour les compagnies internationales. » Le sous-sol malien est décrit comme contenant abondamment des métaux précieux, du pétrole et du gaz.

Mais la vérité est que les richesses minérales du Mali sont médiocres.


Concernant le pétrole et le gaz, parler de fortune pétrolière malienne est en effet  prématuré : Bien sûr, le Mali a des réserves potentielles, mais il n’a que zéro réserve prouvée et bien que son gouvernement ait alloué 700 000 kilomètres carrés pour des forages depuis 2005, aucun puits n’a encore été foré. Aucune compagnie   majeure n’a encore acheté de droits de forage au Mali : les seules à l’avoir fait sont l’italienne ENI, l’algérienne SONATRACH, la canadienne Selier Energy et quelques autres compagnies mineures à haut degré de tolérance de risques. Même un an avant le début du présent conflit, l’isolement et l’insécurité chronique du Sahara en faisaient une zone interdite pour beaucoup d’investisseurs.

L’intervention militaire, sauf à considérer que Total pourrait corriger son absence dans les prévisions du pétrole malien, ne va pas améliorer cette situation !

Uranium

Concernant l’uranium au Mali, la seule exploitation minière active est située à Faléa, au sud-ouest du pays, près de la frontière avec la Guinée, dirigée par la société canadienne Rockland. Cette opération a ses propres problèmes sociaux et environnementaux mais est éloignée de la zone de conflit.

En dépit des rumeurs d’existence d’uranium dans le nord du Mali, aucune ressource n’a publiquement été mise en évidence et la notion d’un Mali « riche en uranium » n’est donc pas encore recevable.

Dès 2009, cependant des conventions d’exploration concernant le massif montagneux de l’Adrar des Ifoghas, au nord de Kidal, étaient conclues entre Bamako et la société australienne Oklo Uranium Limited. Peut-être Areva (présente de l’autre côté de la frontière, au Niger, où elle exploite, par l’intermédiaire de sociétés filiales,  le même gisement à Arlit) a-t-elle trouvé là un motif pour favoriser la déstabilisation du nord mali en laissant (dans le meilleur des cas) s'armer les indépendantistes touaregs ? Mais les armes libyennes sont plutôt allées dans les mains des islamistes d’Aqmi !

Or

Le Mali est parmi les plus gros producteurs d’or (3ème producteur d’Afrique), exportant entre 36 et 60 tonnes annuellement lors de la dernière décade ; l’or est une ressource clé des revenus du gouvernement malien. Les exploitations minières aurifères sont situées dans le sud-ouest et dans l’ouest du Mali et subissent la mainmise de compagnies multinationales comme Rangold, AngloGold Ashanti et Iamgold, parmi d’autres. Une guerre ne serait pas le meilleur moyen d’accéder à meilleur coût à l’or malien. Les gouvernements maliens successifs ont déjà conclu des marchés très généreux avec les compagnies minières et imposé des règles minimum à leurs activités. Quel intérêt y aurait-il alors à casser la poule aux œufs d’or ? C’est dire si ces compagnies qui retirent déjà d’énormes bénéfices de l’or malien n’ont pas intérêt à cette guerre.

Bien sûr que de nombreux citoyens et leaders français arborent des sentiments paternalistes envers leurs anciennes colonies africaines et bien sûr que des intérêts économiques sont encore en jeu ! Mais depuis son élection, François Hollande était extrêmement réticent à intervenir directement dans le conflit malien, préférant à la place, offrir une aide logistique et des moyens financiers à une opération des pays d’Afrique de l’ouest.

La défaite imminente des militaires maliens devant les groupes armés islamistes à Konna, dans la région de Mopti a rendu cette option caduque. La « Françafrique » n’est sans doute pas morte, mais les temps ont changé : selon toute vraisemblance, l’opération Serval a été autorisée en dernier ressort alors que quelques années plus tôt, ç’aurait été le premier choix.

En effet, en cas de défaite militaire à Sévaré, étape visée par les islamistes après Kona, les 650 km qui les séparaient de Bamako auraient été vite franchis, et surtout, la reconquête des territoires perdus en 2012 aurait été rendue presque impossible par la perte du seul aéroport de la région, celui de SévaréL’État malien, selon toute vraisemblance, se serait alors liquéfié jusqu’à tomber dans les griffes de ces groupes. Par le jeu des dominos et la volonté ouvertement exprimée des islamistes, ce sont alors d’autres états d’Afrique qui se seraient trouvés face à la menace. 

C’est pourquoi (pour une fois) certains des arguments avancés entre autres, par Jean-Luc Mélenchon et par une partie de la gauche française, me paraissent un peu spécieux.

« L’intérêt d’une intervention militaire extérieure pour régler le problème posé au Nord du Mali est discutable. » : Je ne comprends pas cette position. Fallait-il laisser les groupes islamistes poursuivre leurs actions terroristes (au sens propre = exercer la terreur) à l’encontre des populations civiles ? Quel autre moyen que la guerre était donc possible ? On n’arrête pas des fusils avec des réunions de commissions parlementaires, si ?

Avertir et demander l’aval du Parlement avant d’intervenir ? Mais quid de l’urgence (les avions français sont intervenus à 20km de Sévaré) et  quid du nécessaire impératif militaire de l’effet de surprise  (si le parlement avait été consulté, les islamistes, avertis, n’auraient pas attendu dans Konna mais auraient sans doute immédiatement fondu sur Sévaré !) ?

Attendre qu’une réaction vienne de l’ONU ou des pays africains ? Seule la France avait la capacité d’intervenir immédiatement en suscitant l’adhésion des populations.

« L’appel à l’aide directe du pouvoir malien actuel n’a aucune légitimité pour la raison que le pouvoir malien est exercé depuis le coup d’Etat de mars 2012 par le capitaine putschiste». C’est tout à fait discutable. Que le coup d’état du capitaine Sanogo qui a chassé le président élu, ATT, soit condamnable, c’est certain, mais ensuite, un président par intérim a été désigné, comme le prévoyait la constitution malienne et c’est même le président de l’assemblée nationale. Ce n’est pas Sanogo qui a appelé la France mais ce président. Même si Sanogo donne un peu l’impression de faire la pluie et le beau temps à Bamako, puisqu’il a même obtenu le départ du premier ministre, ce n’est tout de même pas lui qui exerce le pouvoir. L’appel est donc légitime ! D’autre part, si le Mali attendait d’être redevenu un pays stable avec la souveraineté sur son territoire lui permettant d’organiser des élections démocratiques, il n’aurait évidemment plus besoin d’aucune intervention étrangère ! Comme ce n’est pas le cas, doit-il mourir ?

« Les intérêts fondamentaux de la France n’étaient pas en cause » Non, c’est vrai, mais alors, il ne faut plus signer aucun accord d’assistance mutuelle pour éviter toute intervention militaire à l’étranger. Car un traité international existe, la France doit de toute façon le respecter. Et n’est-ce pas un devoir moral pour les Français de renvoyer l’ascenseur à une population que leurs ancêtres ont martyrisée et qui pourtant l’a aidée aux heures sombres de la deuxième guerre mondiale ?

Et si les intérêts des sociétés multinationales pour l’or, le pétrole ou l’uranium malien ont été déterminants, fallait-il laisser ces richesses supposées à Aqmi ou Ansar Dine ?

« Principal risque : l’enlisement. » Est-ce que l’existence même réelle de ce risque devait conduire à rester spectateur du naufrage du Mali sans intervenir ?

Il me semble donc, au contraire que l'intervention était justifiée. Comment laisser une poignée d'islamistes armés s'emparer du Mali, imposer aux Maliens une version obscurantiste et barbare de leur propre religion, consistant à couper des mains et des pieds, battre les récalcitrants en place publique, violer les femmes et les voiler, abattre les monuments historiques, brûler les livres, interdire musique, sport et spectacles ?

Patrick Job

Voir "Histoire du Mali"

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