“Libre et à vos côtés“, c’est le slogan proposé par Olivier Falorni, député candidat à sa propre succession dans la 1ère circonscription de la Charente-Maritime (La Rochelle île de Ré). Pour le prouver, il a endossé le costume des bagnards et il vous a concocté 8 pages en papier glacé aux couleurs du stade rochelais (jaune et noir) distribuées gratuitement dans toutes les bonnes boîtes aux lettres de la circonscription (et donc sans doute la votre, évidemment, si vous habitez la 1ère circo du 17) !
Vous avez dit : démagogie ?
Olivier Falorni serait-il démagogue ? La démagogie, d’après le Grand Larousse encyclopédique, c’est une “Politique ou comportement consistant à flatter les aspirations à la facilité et les passions populaires pour obtenir ou conserver le pouvoir ou pour accroître sa popularité“.
N'y sommes-nous pas en plein ? Examinons ensemble ces 8 pages.
Voilà de quelle manière il compte vous faire apprécier ses mérites. D’abord, en page de couverture, un portrait de lui même vous regarde dans les yeux. Costard et cravate bleus, buste de ¾ et tête de face, de grandes dimensions (22,5x21), sur fond gris très clair avec à gauche la mention “VOTRE DÉPUTÉ“ et en script en bas à gauche (sur l’épaule droite), en blanc, “libre et à vos côtés“. Les codes de l'image sont respectés : ils nous disent que voilà certainement une personne franche (le regard) et sérieuse (le costume et la cravate bleues), en même temps que déterminée (la coupe de cheveux rase et l'emplacement choisi pour occuper la diagonale de la page, du bas à gauche au haut à droite). Rien n'est laissé au hasard. Ne soyons pas dupes !
Vous avez dit : instrumentalisation ?
En haut de la page, un bandeau noir de 7,2 cm de haut sur 21cm de large, avec en grosses lettres jaunes, Olivier FALORNI et en plus petit “Élections législatives 11 et 18 juin 2017, Première circonscription de la Charente-Maritime“.
Jaune sur fond noir ? Ce sont les couleurs du Stade Rochelais qui va, dans quelques jours, disputer la première demi-finale de son histoire dans le championnat de rugby de top 14, la première division française. Les supporters (qui ne sont quand même pas tous falornistes) apprécieront-ils la manœuvre grossière qui consiste à s’attribuer les couleurs d’une équipe qui, en ce moment, gagne, mais qui, de toutes façons leur appartient à eux plus qu’à un député ? Que Falorni soutienne le Stade rochelais est une chose (il n'est d'ailleurs pas le seul !) mais qu'il s'en attribue les mérites à travers ses couleurs, c'en est une autre ! Ici, c'est La Rochelle ! Mais ici, ne sera pas forcément encore Falorni !
Vous avez dit : culte de la personnalité ?
Le haut de la page 2 contient une photo de la suppléante, Patricia Friou, aux côtés de son titulaire (légèrement en arrière de lui), marchant énergiquement dans notre direction, sur une plage de l’île de Ré (phare des Baleines) et un témoignage pour dire sa fierté d’être là, aux côtés d'un député “...qui porte avec tant de force et d'autorité notre voix...“. Et encore “Homme simple, honnête et droit, disponible et accessible, proche des gens et attentif aux autres“ N'en jetez plus, la cour est pleine !
Le reste de la page empile des témoignages “d’admirateurs“. Tous dressent d’Olivier Falorni un portrait dithyrambique digne des grandes heures du culte de la personnalité. Il est, je cite, “courageux“, “a le sens de l’engagement“, il est “déterminé“, “libre et patriote“, “actif“, “humaniste“, “sensible“, “attaché à l’égalité des chances“, “grand défenseur de l’école“, “attentif à ceux qui souffrent“, “sensible à la question du handicap“, j’en passe et des meilleures. Quel panégyrique !
Pour appuyer la liberté du personnage, on est allé chercher Jean Billaud, ancien des FFL, pour prouver sa compatibilité avec les radicaux de gauche, on a fait intervenir Colette Chaigneau, ex députée et ex suppléante de Michel Crépeau. Car à La Rochelle, il est toujours utile de se référer à la gloire locale.
À droite de la page, deux autres témoignages enfoncent le clou des immenses qualités du prétendant à sa propre succession, Romain Bœuf-Alary, éducateur spécialisé (animateur du comité de soutien -un jeune), Aline Guibordeau (animatrice du comité de soutien-une “Black“).
Vous avez dit : boursoufflure de l’ego ?
Ces laudateurs inconditionnels ne suffisant pas, et nul n’étant aussi bien servi que par soi même, la suite est écrite à la première personne, toujours avec un titre et des intertitres en jaune sur fond noir, comme les maillots des rugbymen rochelais.
Une tactique de l’éthique
Toute la page 3, intitulée : “Mon éthique en actes“ avec la mention “manuscrite“ “j’ai agi“, loue les immenses qualités auto-affirmées du député : la probité, la clarté, l’exemplarité…
Ce qui prouve sa probité ? La loi qu’il a votée pour obliger les candidats aux élections à avoir un casier judiciaire vierge. On ne saurait qu‘approuver ; Ne serait-ce pas là un minimum ?
Mais ce n’est pas tout ; A la suite de l’affaire Thévenoud, n’a-t-il pas proposé une loi –c’est compliqué- obligeant les députés à produire un certificat de régularité fiscale ?
Ce qui prouve sa clarté ?
Il a fait la transparence sur sa réserve parlementaire (que l’Avenir en commun propose d’abolir). D’ailleurs, ajoute-t-il, pour en consulter l’utilisation, il suffit d’aller voir sur le site Internet du député. (Vérification faite, après un bon quart d’heure d’exploration, n’ayant pas trouvé de rubrique “réserve parlementaire“, j’ai abandonné ma recherche).
Deuxième élément de clarté : il a refusé des fonctions de conseil ou des emplois familiaux. Ben dis-donc ! Quel exploit !
Son exemplarité ?
Il n’a pas cumulé.
Il a rendu compte régulièrement grâce au “Journal de votre député“ qu’il a créé.
Enfin, il a travaillé “avec nous“ : Il a été très présent, dit-il, dans les 20 communes de la circonscription. C’est vrai, nul ne peut le nier. D’ailleurs, sur son site officiel, on trouve des centaines de photos témoignant de cette activité. On peut compter, par exemple, depuis 2016, au moins 76 participations à des cérémonies et 63 inaugurations diverses.
Juste une question : Est-ce bien là le rôle du député qui, normalement, est là pour voter les lois ? (Un député, bien qu’élu d’un territoire ne représente pas ce territoire mais la Nation et il n‘a d’ailleurs, aucun pouvoir local officiel si ce n’est, et Falorni l’a très bien fait, semble-t-il, d’inaugurer les chrysanthèmes).
Bilan d’activité hors inaugurations
Les pages 4 et 5 sont d’ailleurs consacrées à l’action du député à Paris et “ici“.
À Paris ? 4 titres : Laïcité, terrorisme et islamisme radical, protection animale et droit de mourir dans la dignité.
Ici ? 16 titres, qui vont de “obtenir un nouveau commissariat “ à “parrainer de belles causes“.
Sympa, non ? Et significatif !
Une profession de foi : “je souhaite que Macron réussisse“
Les pages 6 et 7 sont intitulées “Réunir pour réussir, pas pour un parti, mais pour le pays. Le candidat explique en substance que bien que n’appartenant pas à son parti, il soutiendra Macron et s’inscrira donc dans la majorité présidentielle.
Certes, il ne serait pas un député godillot, prétend-il, mais il se dit favorable aux mesures préconisées par le nouveau président. Il les énumère d’ailleurs sur ces deux pages tandis que la page 8 contient l’agenda des réunions publiques du candidat (18 réunions entre le 21 mai et le 5 juin) ainsi qu’un bon de soutien financier.
Il le soutiendra donc. Il écrit : “dans le cadre du programme présidentiel du chef de l’État, je soutiendrai un certain nombre d’objectifs majeurs et de mesures clés, qui m’apparaissent profondément nécessaires“.
Ne vous attendez donc pas à un député libre constituant un contre pouvoir. Vous pouvez aussi bien voter pour la candidate officielle d’En Marche ! Ça fera la même chose. Libre et à vos côtés ? Libre, peut-être, mais surtout aux côtés de Macron !
Lisez l'analyse de Pascal Bouyssou sur Falorni ci-dessus.