
Hier, Bruno Le Maire plaidait pour “un nouveau capitalisme” sur BFMTV. Il fallait une crise de cette ampleur pour que les dominants retrouvent l’usage de ce mot qui, semble-t-il, avait disparu de leurs dictionnaires au profit de formules euphémisantes et mélioratives, de “l’entrepreneuriat” et d’autres fadaises.
Enfin un bon signe : c’est la remise en cause de leur système qui les pousse à le nommer explicitement, en réaction à une critique de plus en plus explicite. Le niveau de trouille des élites est un bon révélateur de l’état du rapport de force. Alors, puisqu’ils n’ont que l’économie à la bouche depuis le début de la crise sanitaire, parlons-en.
D’abord, pour “sauver l’économie”, qu’ont-ils fait ?
• Report des cotisations sociales pour éviter les faillites.
• Remboursement par l’État des indemnités de chômage partiel pour limiter les pertes consécutives à la baisse d’activité.
• Garanties de prêts par l’État pour maintenir le niveau du crédit bancaire.
À l’inverse, qu’ont-ils refusé de faire ?
• Les nationalisations et réquisitions ne sont prévues qu’en cas “d’attaques sur les marchés”, et non pas à des fins de planification de la production, pourtant nécessaire pour résoudre la pénurie de matériel sanitaire et limiter les activités qui favorisent la contagion.
• Aucune interdiction ni limitation des licenciements, alors que ce sont évidemment les plus pauvres et les plus précaires qui souffrent le plus de l’épidémie et du confinement.
• Pas de mise à l’arrêt des secteurs non-essentiels ; le gouvernement refuse d’identifier les productions nécessaires à notre survie et de suspendre les autres.
• Pas de véritable soutien financier aux TPE / PME, en raison de la dureté des critères retenus pour le fonds de solidarité, de sorte que leur situation dégradée les destine au rachat à moyen terme par les plus grosses entreprises, mieux armées face à la crise.
Et l’Union européenne ?
• Son budget, rigide, n’est d’aucune utilité face à la crise sanitaire : il ne permet pas de s’endetter collectivement pour endiguer une pandémie qui ne peut être résolue individuellement : elle resurgira si un seul pays ne parvient pas à la contenir.
• Selon les traités, la banque centrale ne peut pas prêter directement aux TPE / PME menacées par la crise : elle ne peut qu’offrir des garanties sur les prêts des banques commerciales. Et même cela, elle s’y refuse. En revanche, elle injecte directement des centaines de milliards d’euros dans les titres boursiers des grandes entreprises.
En somme, nos dirigeants refusent de soustraire le pouvoir de décision aux grands détenteurs du capital, pour mettre la production au service de l’intérêt général. Le capitalisme, “nouveau” ou ancien, c’est exactement cela : un système qui retient, pour principe organisateur de la production et de toute la société, la recherche libre du profit par les possédants, fût-ce au détriment de tous les autres. Ne leur déplaise, pour résorber cette crise sanitaire comme pour combattre la crise écologique, il faudra s’en affranchir.
Sabine Rubin, député France Insoumise de la 9ème circonscription de Seine-Saint-Denis
