Le collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens demande dans un communiqué (voir plus bas) la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Celui-ci est emprisonné en France depuis 1984 alors que sa condamnation en 1986 à la perpétuité est fortement sujette à suspicion de trahisons et de pressions.
Mais voyons d'abord qui est Georges Ibrahim Abdallah ?
Naissance au Liban
Georges Ibrahim Abdallah est né dans le nord du Liban, au sein d'une famille de neuf enfants dont le père était militaire. Il a effectué ses études à l'école normale d'Achrafieh, quartier de l'est de Beyrouth. En 1972, il a été nommé instituteur dans un village de la plaine de la Bekaa. Il est resté dans l'enseignement jusqu'en 1979.
C’est aussi l'oncle paternel de Chloé Delaume, écrivaine française, autrice de nombreux romans dont “le cœur synthétique“, prix Médicis en 2020.
Engagement politique
Son engagement politique a débuté dans les rangs du Parti social nationaliste syrien (PNSS) et il a rejoint ensuite, dès 1971, le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP).
L'engagement de Georges Abdallah a été motivé par la cause palestinienne et les invasions successives de l'armée israélienne au Sud Liban, en 1978 et 1982. Il a d'ailleurs été blessé lors de l'invasion israélienne de 1978. Selon le Mossad, il aurait été proche de Georges Habache, le chef du FPLP. Il a participé à la création de la Fraction armée révolutionnaire libanaise, organisation se déclarant communiste et anti-impérialiste, dont il dirigera les opérations en France sous les pseudonymes Salih al-Masri et Abdu-Qadir, la base de ce groupe étant à Lyon. Un ancien membre des FARL confiera à Aljazeera.net en 2009 :
« Nous avons décidé de mener des actions à l'étranger, notamment en Europe, plutôt qu’au Liban, conformément au slogan : frapper l'ennemi partout où il se trouve. »
Arrestation
En 1982, les FARL revendiquèrent l'assassinat du lieutenant-colonel Charles R. Ray, attaché militaire américain à Paris (le 18 janvier 1982), et de Yacov Barsimentov, diplomate israélien membre du Mossad (le 3 avril 1982), et blessèrent gravement (le 26 mars 1984) Robert O. Homme, consul américain à Strasbourg. Ces attentats étaient des actes de résistance à une agression militaire, le Liban faisant alors face à une invasion israélienne appuyée par les États-Unis.
Condamnations
Ibrahim Abdallah fut arrêté à Lyon le 24 octobre 1984 et condamné le 10 juillet 1986. Jacques Attali, alors conseiller de François Mitterrand, écrivait : « Il n’est inculpé que de faux et usage de faux car il dispose d’un vrai-faux passeport algérien ». Les autorités américaines et israéliennes exercèrent de vives pressions afin de faire alourdir sa condamnation.
Le 23 avril 1985, les FARL enlevèrent Gilles Sidney Peyroles, directeur du centre culturel français de Tripoli (Liban) et fils de l’écrivain Gilles Perrault, et réclamèrent la libération de Georges Abdallah. Yves Bonnet, alors patron de la DST, négocia avec les services secrets algériens un échange qui était sur le point d'aboutir. Mais la découverte dans une des planques des FARL d'une arme ayant servi à abattre Charles Ray et Yacov Barsimentov eut raison de cet arrangement. Georges Ibrahim Abdallah fut condamné dans un premier temps à quatre ans de prison, pour détention d'armes et de faux papiers.
Puis il est à nouveau jugé par la cour d'assises spéciale pour complicité d'assassinat le 28 février 1987. La justice le condamnera alors à la perpétuité. Lors de ce procès, Abdallah déclara : « Si le peuple ne m’a pas confié l’honneur de participer à ces actions anti-impérialistes que vous m’attribuez, au moins j’ai l’honneur d’en être accusé par votre cour et de défendre leur légitimité face à la criminelle légitimité des bourreaux. »
Aveux et trahisons
Yves Bonnet dira en 2011 dans un entretien à France 24 : « La France a subi tout au long de cette affaire d’énormes pressions diplomatiques pour que celui qui a assassiné non pas des diplomates mais en réalité un agent de la CIA et un membre du Mossad (services secrets israéliens) reste en prison. ». Il expliquera même dans une entrevue à La Dépêche du 7 janvier 2012, qu’il juge « anormal et scandaleux le fait de maintenir encore emprisonné Georges Ibrahim Abdallah ». Il considérait par ailleurs qu'il avait le droit de revendiquer les actes commis par les FARL comme des actes de résistance. « Après on peut ne pas être d'accord, c'est un autre débat. Mais il faut se souvenir du contexte, aussi, des massacres de Sabra et Chatila dont les coupables n'ont jamais été punis. Et aujourd'hui, la France garde cet homme derrière les barreaux alors qu'elle a libéré Maurice Papon ? ».
En 1987 sortit un livre confession de Jean-Paul Mazurier, avocat de Georges Ibrahim Abdallah, qui racontait comment et pourquoi il avait trahi son client et avait pris contact avec les services secrets français (DGSE). Néanmoins, la validité du procès ne sera pas remise en cause. Georges Abdallah aura ensuite Jacques Vergès comme avocat, jusqu'à la mort de celui-ci en 2013, puis Jean-Louis Chalanset.
Le 1er décembre 2009, Georges Abdallah fut condamné à 3 mois de prison pour refus de prélèvement ADN par le tribunal correctionnel de Tarbes, mais relaxé Le 20 mai 2010 par la cour d'appel de Pau.
Georges Abdallah a continué son engagement politique en détention. Il n'a jamais cessé de revendiquer ses engagements politiques révolutionnaires dans toutes ses expressions publiques.
Obstination de médiocres
Georges Abdallah est, selon le droit français, libérable depuis 1999. À l'exception de l’Italie, une incarcération d’une telle longueur est exceptionnelle dans les pays de l’Union européenne. Entre 2004 et 2020, neuf demandes de libération conditionnelle lui ont été refusées par la justice française.
Le 21 novembre 2012, le tribunal d'application des peines compétent en matière de terrorisme, réuni à Lannemezan le 23 octobre 2012, prononçait un avis favorable à la demande de libération de Georges Abdallah. Le 10 janvier 2013, la chambre d'application des peines de Paris, qui examinait l'affaire en appel, accède à sa huitième demande de libération, en la conditionnant à un arrêté d'expulsion du territoire français. Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, refuse de signer l'arrêté d'expulsion le 14 janvier 2013.
La décision de libération est annulée en avril 2013 par la Cour de cassation, car Georges Ibrahim Abdallah « ne pouvait se voir accorder une libération conditionnelle sans avoir été obligatoirement préalablement soumis, à titre probatoire, à une mesure de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d'un an au moins. »
Jacques Vergès, en produisant des documents du département d’État, dénonce :
« C’est le gouvernement des États-Unis qui oppose un veto intolérable à sa libération. »
Le 5 novembre 2014, le tribunal d'application des peines rejette une nouvelle demande de libération, décision confirmée en appel le 26 février 2015, sous les motifs que Ibrahim Abdallah ne faisait pas l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne regrettait pas les actes pour lesquels il avait été condamné, n'avait pas indemnisé les ayants droit des victimes.
Des soutiens qui comptent
Angela Davis lui apporte son soutien en 2013 lors de sa venue à Toulouse, tout comme Leila Khaled. L'auteur et dessinateur Jacques Tardi a pris fait et cause pour sa libération, dessinant même une affiche à ce sujet.
Mais aussi de nombreux intellectuels et de nombreuses associations : Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, l'Association France-Palestine Solidarité ou encore l'Union juive française pour la paix, ainsi que des partis politiques : Parti de gauche, Parti communiste français, le Nouveau Parti anticapitaliste, Lutte ouvrière, CNT, Alternative libertaire, Parti communiste maoïste ou encore l'Organisation communiste marxiste-léniniste – Voie prolétarienne.
Voici donc le communiqué du collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens :
MERCREDI 14 AVRIL 2021
Communiqué du CNPJDPI
70 ans dont 37 passées dans les geôles françaises : Libérez Georges Ibrahim Abdallah !
Condamné à perpétuité en 1986, Georges Ibrahim Abdallah, militant politique et citoyen libanais, est toujours injustement incarcéré en France. A ce jour, des interrogations sérieuses sur son procès restent encore sans réponse. Le jour même de sa condamnation son avocat a reconnu être un agent des services secrets français. Quelques années plus tard, l’ancien directeur de la DST qui l’avait arrêté, Yves Bonnet, a déclaré que le maintien en détention de Georges Ibrahim Abdallah relevait de la « vengeance d’État ». C’est le caractère éminemment politique de son maintien en détention qui est ainsi dévoilé.
Georges Ibrahim Abdallah est libérable depuis 1999. Les autorités pénitentiaires n’ont rien à lui reprocher. La justice française a prononcé sa libération à plusieurs reprises, en 2012 et 2013. Si cette libération n’a pas eu lieu, c’est parce que le gouvernement français obéit à ceux des États-Unis et d’Israël qui ont fait de Georges Ibrahim Abdallah un symbole. En 2013, c’est Manuel Valls qui a refusé de signer un avis d’expulsion, techniquement indispensable pour sa libération.
Dans son pays, le Liban, il y a unanimité pour demander sa libération et son retour dans son pays. La demande a été faite officiellement et Georges Ibrahim Abdallah a reçu la visite de l’ambassadeur et de la ministre de la Justice du Liban à la prison de Lannemezan.
Georges Ibrahim Abdallah continue, depuis sa prison, à suivre les luttes dans le monde entier. Fort de ses convictions politiques auxquelles il tient à rester fidèle, il envoie des déclarations de soutien aux luttes, et fait des grèves de la faim de solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens.
Georges Ibrahim Abdallah a eu 70 ans le 2 avril 2021 dont 37 passées en prison. La France qui se vante d’être le pays des droits de l’homme, viole vis à vis de lui les droits les plus élémentaires. La détention éternelle est bannie du droit français. Georges Ibrahim Abdallah est le détenu politique le plus ancien d’Europe.
Le CNPJDPI dénonce la perpétuation d’une situation totalement contraire à l’état de Droit. Il dénonce également les ingérences étrangères répétées dans le cours normal de la Justice française.
Le CNPJDPI exige que le gouvernement de la France cesse, enfin, de se plier à ces ingérences et signe l’arrêté d’expulsion permettant à la Justice, comme elle l’avait fait en 2012 et 2013, de prononcer la libération de Georges Ibrahim Abdallah, en réunissant cette fois les conditions pour que cette décision puisse être appliquée.
Le CNPJDPI exige que Georges Ibrahim Abdallah soit libéré immédiatement et expulsé vers le Liban afin qu’il puisse, enfin, retrouver sa famille.
Paris, le 12 avril 2021
Membres du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens signataires :
Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA) – AFD International – AILES Femmes du Maroc - Alternative Libertaire (AL) - Américains contre la guerre (AAW) - Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) - Association des Tunisiens en France (ATF) - Association France Palestine Solidarité (AFPS) - Association Nationale des Élus Communistes et Républicains (ANECR) -Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne (ATTAC) - Association pour les Jumelages entre les camps de réfugiés Palestiniens et les villes Françaises (AJPF) - Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) - Association Universitaire pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP) - Cedetim / IPAM - Collectif des Musulmans de France (CMF) - Collectif Faty Koumba : Association des Libertés, Droits de l’Homme et non-violence - Collectif interuniversitaire pour la coopération avec les Universités Palestiniennes (CICUP) - Collectif Judéo-Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP) - Collectif Paix Palestine Israël (CPPI Saint-Denis) - Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR PO) - Comité Justice et Paix en Palestine et au Proche-Orient du 5e arrondissement (CJPP5) - Droit-Solidarité – Ensemble ! – Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) – Forum Palestine Citoyenneté - Génération Palestine - La Courneuve-Palestine - le Mouvement de la Paix - les Femmes en noir - Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, section française de la Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF) (LIFPL) - Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) - Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF) - Organisation de Femmes Égalité - Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF) - Parti Communiste Français (PCF) - Parti de
Gauche (PG) - Parti de l’émancipation du peuple - Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) – Socialistes pour la Paix – Sortir du colonialisme - Une Autre Voix Juive (UAVJ) - Union Juive Française pour la Paix (UJFP) - Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens (UTIT) - Union Nationale des Étudiants de France (UNEF) - Union syndicale Solidaires
Le site du CNDJDPI est ici : https://cnpjdpi.org/