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Rue du Blogule Rouge Insoumis

Rue du Blogule Rouge Insoumis

Dans la rue du blogule rouge on s'intéresse à toutes les affaires de la cité et des citoyens.

Publié le par ruedublogulerougeinsoumis
IL Y A 60 ANS, PLAYA GIRON

Playa Giron (du nom d’un pirate français) est dans une baie aux plages paradisiaques de la mer des Caraïbes, située sur la côte sud de Cuba, à 170 km à l’est de La Havane et à une centaine de km à l’ouest de Cienfuegos. Mieux connue en Occident sous le nom de baie des cochons,  elle a été, il y a 60 ans, le lieu d’une gifle magistrale reçue par l’impérialisme américain. Un débarquement soutenu et organisé par la CIA y fut mis en échec en moins de 72 heures par l’armée cubaine sous les ordres de Fidel Castro.

Le récit de la tentative d’invasion perpétrée par les anti-castristes exilés cubains aux ordres de la CIA est particulièrement instructif. Voici ce qu’on peut apprendre en visitant sur place le musée du débarquement :

Le 17 avril 1961, en effet, 1400 mercenaires anti-castristes entraînés par la CIA aux États-Unis furent regroupés à Puerto Cabezas au Nicaragua et embarqués sur cinq cargos. Ils étaient appuyés par deux navires d'escorte. Des avions, maquillés aux couleurs cubaines devaient participer au débarquement prévu dans la baie des cochons.

En parallèle, des opérations de déstabilisation du régime cubain, sous la forme de destructions de récoltes agricoles par épandage aérien de produits défoliants, notamment dans les champs de canne à sucre, principale ressource économique de l'île, des sabotages industriels contre les raffineries de pétrole et portuaires (avec des destructions de navires) furent menées durant toute la période précédant l'opération de débarquement ainsi que de la propagande sous la forme de tracts diffusés par voie aérienne.

Deux jours auparavant, le 15 avril, des bombardements aériens avaient commencé ainsi qu’une diversion médiatique.

Le matin du samedi 15 avril 1961, huit bombardiers américains B-26 peints aux couleurs cubaines (dans l'intention de faire croire qu'il s'agissait d'une rébellion cubaine et non d'une attaque américaine), en violation des conventions internationales, décollèrent du Nicaragua et attaquèrent les bases aériennes de La Havane et de Santiago. Les avions américains bombardèrent les aéroports et aérodromes du pays, détruisant une grande partie des avions au sol (civils et militaires). Les principaux bombardements touchèrent Ciudad Libertad, La Havane, San Antonio et Santiago de Cuba. La moitié des appareils de l'aviation militaire cubaine ainsi que des avions civils furent détruits au sol. Sept victimes cubaines furent à déplorer.

Un des B-26 qui avait bombardé les sites, criblé de balles, demanda un atterrissage d'urgence en Floride. Le pilote, se présentant comme un membre de l'armée cubaine et déserteur, indiqua aux journalistes qu'avec d'autres militaires, il avait décidé de se rebeller et de prendre la fuite après avoir bombardé plusieurs sites. Cette opération d'intoxication, qui avait été montée intégralement par la CIA, fut défendue par l'ambassadeur des États-Unis, Adlai Stevenson, à l'ONU (ou il sera d'ailleurs en conséquence ridiculisé car les journalistes américains avaient découvert rapidement la fraude), ce qui va influencer les décisions de l'administration Kennedy par la suite et notamment les bombardements prévus.

Cependant, Fidel Castro avait caché ses avions hors des bases militaires : groupés par 3, camouflés et défendus par des batteries anti-aérienne, quatorze à quinze appareils étaient restés intacts et jouèrent un rôle décisif 48 heures après.

De plus, l'ensemble des forces armées furent placées en état d'alerte. Fidel Castro déclara alors « si ces attaques aériennes sont un prélude à une invasion, le pays est prêt à se battre et résistera et détruira les forces qui tentent d'envahir notre pays ».

Le même jour, en réaction au bombardement, Fidel Castro fit déployer les forces militaires sur l'île et les leaders rejoignirent leurs postes de commandement respectifs : Raúl Castro dans la province d'Oriente (partie orientale), Che Guevara à Pinar del Rio (partie ouest de l'île), Juan Almeida Bosque à Santa Clara (partie centrale), Ramiro Valdes au contre-espionnage et Guillermo Garcia au centre tactique de La Havane.

 

Le dimanche 16 avril, lors de l'enterrement des sept victimes des bombardements, Fidel Castro, après avoir comparé le débarquement à l'attaque de Pearl Harbor, lança : « Ce que les impérialistes ne peuvent nous pardonner, c'est d'avoir fait triompher une révolution socialiste juste sous le nez des États-Unis ». Il fit diffuser à la population les ordres suivants : « Chaque Cubain doit occuper le poste qui lui revient dans les unités militaires et les centres de travail, sans interrompre ni la production ni la campagne d'alphabétisation. »

En parallèle, l'annonce d'une invasion fut très mal accueillie dans les milieux diplomatiques y compris à Washington D.C. De fait, elle contribua à faire annuler le second raid prévu de B-26 par Dean Rusk, ce qui fut confirmé par le président Kennedy.

 

Entre-temps, arrivée en face de Playa Larga, la brigade anti-castriste préparait son débarquement. À 23 h, cinq hommes grenouilles dont des agents de la CIA qui avaient accompagné les anticastristes (malgré les ordres reçus qui leur interdisaient de le faire), débarquèrent du cargo Blagar pour pouvoir gagner la plage et guider les premières barges de débarquement.

 

Le lendemain, le 17 avril vers 1 h 15, la brigade 2506 débarqua en deux endroits, à Playa Larga et Playa Girón, c'est-à-dire au fond et à l'entrée orientale de la baie des Cochons, à 202 km au sud-est de La Havane et à 25 km l'une de l'autre. Un troisième débarquement prévu dans l'anse de la Caleta Buena entre les deux plages ne put avoir lieu.

 

Les exilés cubains, qui débarquèrent dans une région agricole isolée peu peuplée et dont les habitants avaient bénéficié des réformes agraires mises en place par le gouvernement de Castro, ne reçurent pas le soutien attendu de la part des populations civiles.

Dès le débarquement, les troupes étaient repérées par les miliciens qui avaient, eux aussi, été placés en état d'alerte depuis le bombardement du 15 avril et qui transmirent l'alerte auprès du commandement militaire cubain.

 

Dès que l'alerte fut transmise, Fidel Castro donna l'ordre à un premier bataillon de 900 soldats stationnés sur la route de Playa Larga d'intervenir et fit bloquer les trois seules routes d'accès qui traversaient le marécage. En parallèle, les forces aériennes cubaines et les miliciens reçurent l'ordre d'attaquer la force d'invasion dès l'aube. La brigade, qui d'après le plan initial était censée livrer des combats dans les terres et bénéficier de la supériorité aérienne, s'était retrouvée clouée sur les plages. Des dizaines de péniches soumises au feu cubain furent alors coulées, obligeant les cargos à reculer pour se mettre hors de portée des tirs.

 

Bien qu'épaulée par un régiment de parachutistes largué le même jour avec l'objectif de prendre d'assaut et de verrouiller les trois routes qui mènent à la baie des Cochons, la brigade fut également rapidement arrêtée par des tirs de mortiers des miliciens, tandis que les actions conjuguées de la défense aérienne et de l'aviation cubaine, se révélaient particulièrement efficaces pour mitrailler les hommes et bombarder les bateaux de la brigade. Des soldats de la brigade tentèrent également de se replier vers les montagnes de l'Escambria au travers du marais ceinturant la plage, mais furent rapidement repoussés par l'armée cubaine.

 

Parallèlement, afin de gagner la bataille médiatique par les ondes et inciter la population cubaine à la rébellion, le poste Radio Swan, dans le cadre de sa campagne d'intoxication, incitait l'armée cubaine à se révolter et faisait croire que l'invasion était en passe de réussir. Elle diffusait également la fausse information du suicide de Raúl Castro.

 

Au matin, les deux têtes de la brigade 2506 parvinrent à se rejoindre malgré le feu de l'armée cubaine.

 

À l'ONU, à New York, l'enceinte de l'institution fut dès le matin, le théâtre d'un intense combat diplomatique entre d'une part les États-Unis et d'autre part l'URSS. Cette dernière sommait les États-Unis de « mettre fin à l'agression contre la république de Cuba », indiquant qu'elle se réservait « le droit, au cas où l'intervention contre Cuba ne cesserait pas sur l'heure, de prendre, conjointement avec d'autres États, les mesures nécessaires pour porter assistance à la république de Cuba ». En effet, Raul Roa, ministre cubain des affaires étrangères, avait appelé l'ONU à l'aide en indiquant que son pays était attaqué par « une force mercenaire organisée, financée et armée par le gouvernement des États-Unis, en provenance du Guatemala et de Floride ».

À 10 h, les États-Unis niaient toute implication de leur part dans l'intervention militaire sur le sol cubain et réaffirmaient leur droit à protéger l'hémisphère de toute agression extérieure.

 

À 12 h, sur la plage, une des têtes de pont de la brigade céda et les suivants étaient sur le point de le faire.

 

À Washington, un nouveau raid aérien avec des avions maquillés aux couleurs cubaines avec des munitions au napalm et pilotés par des américains fut autorisé à 14 h. Au sol, les troupes cubaines furent prises par surprise par les bombardements tandis que les anti-castristes tirèrent sur les appareils qui étaient censés les aider.

 

Parallèlement, des manifestations de soutien notamment devant les ambassades de Cuba avaient lieu à travers le monde entier.

 

Vers une heure du matin, la présidence américaine, au vu des rapports alarmants, autorisa un raid d'une heure, de 6 h 30 à 7 h 30, par des jets non identifiables mais avec l'interdiction d'engager le combat.

 

Richard Bissell (l'agent de la CIA chargé de l'opération) sollicita la présidence pour obtenir l'intervention des forces armées aériennes de l'US Navy stationnées à proximité. Le président John F. Kennedy refusa et ne concéda que l'escorte par des avions de l'US Navy du nouveau raid des B-26. Cette protection, du fait de la mauvaise organisation de l'armée qui avait oublié la différence des fuseaux horaires entre le Nicaragua et Cuba, ne put avoir lieu. Les escadrilles ne se rencontrèrent pas et les quatre B-26 de ce raid, arrivés une heure trop tôt virent deux d'entre eux abattus par les forces aériennes cubaines. Les pilotes décédés, qui étaient de nationalité américaine après la défection des pilotes cubains anticastristes inquiétés par les tirs de la DCA cubaine, contribuèrent à mettre en avant la responsabilité et de l'implication des États-Unis, suite aux déclarations de la délégation cubaine au sein de l'enceinte de l'ONU.

 

L'intervention de la milice et des troupes de Fidel Castro, appuyés par la dizaine d'avions militaires cubains encore en état et par les chars non détruits par les raids précédents des B-26, continuait à accroître la pression sur les troupes de la brigade. Rapidement à court de munitions, l'aviation cubaine ayant coulé le seul cargo porteur de ces dernières le cargo Rio Escondido porteur de 145 tonnes d'armement également porteur des réserves de carburant, les combattants anticastristes se rendirent à l'armée cubaine le 19 avril après 72 h de combat. À 14 h, sur Playa Larga, tandis que les forces au sol se rendaient, le commandant de la Brigade 2506 envoyait son dernier message : « Je détruis tout l'équipement et les communications. Je n'ai plus rien pour me battre. Je pars vers les bois. Je ne peux pas vous attendre ».

 

Quelques dizaines de combattants dont les trois chefs de la brigade seront capturés dans les jours suivants dans les marécages après avoir échappé au quadrillage des troupes cubaines pendant plusieurs jours et notamment Manuel Airtime qui tint treize jours. Vingt-deux hommes ayant réussi à s'échapper par la plage dériveront pendant quinze jours, recourant au cannibalisme, avant d'être secourus en mer.

 

Fidel Castro, arrivé par la suite sur la plage du débarquement communiquait sur l'invasion :

« Les forces de l'armée rebelle et des milices révolutionnaires nationales ont pris d'assaut les dernières positions occupées par les forces mercenaires sur le territoire national… Playa Giron, qui était le dernier point des mercenaires, est tombée à 5 h 30 de l'après-midi. L'ennemi a subi une défaite dévastatrice. »

Le soir, il effectuait la revue des prisonniers de la brigade. Un membre de la brigade, Enrique Ruiz Williams qui avait dissimulé une arme tenta de l'assassiner avant d'être neutralisé par le service de sécurité.

 

114 anticastristes furent tués et 1 189 faits prisonniers. De plus, quatre pilotes civils aux commandes des B-26 abattus par l'aviation cubaine furent également perdus. En effet, la CIA avait, en outre, oublié d'informer les responsables politiques qu'à la suite de la défection des pilotes cubains, ces derniers avaient de fait été remplacés par des pilotes civils de nationalité américaine. Contrairement aux analyses de la CIA, aucune tentative d'insurrection intérieure contre le pouvoir en place ne fut observée.

Le 23 avril 1961, Fidel Castro pouvait déclarer : « L’impérialisme yankee vient de subir en Amérique latine sa première grande défaite ! »

 Les États-Unis furent dénoncés à l'échelle internationale comme une puissance agressive à l'égard de l'île de Cuba. De fait, les tentatives de l'administration Kennedy pour tenter de se dédouaner de toute implication dans cette tentative d'invasion furent vaines auprès de l'opinion publique nationale et internationale. Le président John F. Kennedy accepta l'entière responsabilité de l'opération et de l'humiliation vécue par les États-Unis le 24 avril 1961 durant une conférence de presse.

 

Les prisonniers de l'opération furent libérés le 22 décembre 1962 après un accord portant sur une somme globale de 53 millions de dollars, soit 47 000 dollars par prisonnier libéré, incluant de la nourriture, des fournitures agricoles et des médicaments, pour lesquels, Robert Kennedy, le procureur général américain, dut notamment faire pression sur les laboratoires pharmaceutiques américains. Les membres survivants de la brigade furent reçus par le président John Fitzgerald Kennedy et son épouse Jacqueline Kennedy, le 29 décembre 1962 aux États-Unis à Miami à l'Orange-Bowl. Au cours d'une cérémonie, le drapeau de la brigade fut remis au président des États-Unis, qui déclara alors : « Je vous assure que ce drapeau vous sera rendu dans une Havane libre. »

 

Quelque 300 vétérans de la brigade intégrèrent par la suite les services secrets américains. Ils furent dépêchés fin 1962 au Congo pour soutenir les troupes de Joseph-Désiré Mobutu, prirent part à l'opération Phoenix au Viêt-Nam, à la traque de Che Guevara en Bolivie, à des actions de déstabilisation du gouvernement chilien de Salvador Allende.

 

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