Législatives : le bilan

On peut bien sûr tirer maintenant un premier bilan de ces élections législatives françaises de juin 2022.

À deux niveaux : national et local.

Au niveau national, d'abord.

Premièrement, on retrouve toujours le même grand vainqueur, le pôle abstentionniste, qui regroupe plus de la moitié des électeurs potentiels. C'est énorme. 

Les trois autres grands blocs ( bloc bourgeois,  bloc d'extrême droite et  bloc populaire) issus des élections présidentielles d'avril ont eux considérablement évolué.

Si l'alliance présidentielle est toujours en tête avec 38,6% des exprimés,  la NUPÉS la talonne désormais  avec 31,6% des exprimés et le parti nationaliste est amoindri avec seulement 17,3% des exprimés.

La NUPES totalise 6,5 millions de voix contre 3,5 millions au Rassemblement National.

Pourtant, un fait notoire est l'entrée à l'Assemblée nationale d'un très (trop) important contingent d'élus du RN qui a obtenu 89 députés (contre moins de 10 dans la mandature précédente) !

Le parti Zemmourien s'est lui totalement effondré et n'obtient pas un seul député.

La NUPÉS de son côté a obtenu 130 députés (officiels) auxquels viennent s'ajouter des ultra-marins et des divers gauche, portant le total à 150 environ. L'Union (LFI, PCF, PS, EÉLV) a donc plus que doublé le nombre de ses élus par rapport à la précédente mandature. Dans le détail, La France insoumise obtient 74 sièges, Europe Ecologie-Les Verts 23 sièges, le Parti socialiste 29 sièges et enfin le Parti communiste, 12 sièges. Il y a aussi 18 ultra-marins et 6 divers gauche.

La majorité présidentielle est réduite à 237 sièges (160 Renaissance, 48 MODEM et 29 Horizons) et n'a donc plus la majorité absolue.

LR (Les Républicains) avec l'UDI obtient 64 sièges (avec 7% des voix). Il y a 9 Divers droite.

14 sièges n'entrent pas dans ces catégories.

L'objectif d'atteindre la majorité pour que Jean-Luc Mélenchon soit nommé Premier Ministre et puisse appliquer la politique contenue par les 650 propositions du programme partagé de la NUPÈS n'a donc pas été atteint.

Pourtant, la NUPÉS est bel et bien devenue le premier opposant grâce à ses 150 députés.

Macron a perdu la majorité absolue. Jupiter va devoir gouverner autrement.

Concernant l'arrivée massive du contingent d'élus du RN, la majorité présidentielle, la droite et les médias portent une lourde responsabilité ! En renvoyant comme ils l'ont fait dos à dos l'extrême droite et la gauche, en qualifiant même la NUPÈS d'extrême gauche et d'anarchiste, en dé-diabolisant le RN et en refusant d'en appeler au barrage républicain face à Le Pen (comme ce fut le cas dans 55 des 62 circonscriptions où le RN affrontait la NUPÉS  au second tour), ils ont créé les conditions de l'élection des nationalistes. (Rappelez-vous aussi Darmanin reprochant sa molesse à Marine Le Pen quant à l'immigration).

Voici l'analyse de ce scrutin et de la situation politique qui en est immédiatement issue, faite par Jean-Luc Mélenchon  sur son blog :

"Décidément, le destin est taquin. Il nous aura manqué au total seize mille voix dans le pays entre les diverses circonscriptions pour avoir la majorité relative devant les macronistes. Nous avons réuni plus de six millions de voix et le RN seulement trois millions mais il gagne 55 % des duels avec nous. Bien sûr, l’essentiel est ailleurs. Il est dans la gifle monumentale que reçoit le pouvoir macroniste mis en déroute électorale totale. Le parti présidentiel défait dans l’élection qui suit l’élection du président, c’est la première fois dans l’histoire de la Cinquième République. Mais on n’est plus sous De Gaulle qui s’en allait pour un « non » à son référendum biscornu. Dorénavant, ça s’accroche dans tous les cas. Quoiqu’il en coûte au pays.

Et cette fois ci, le prix à payer est sévère. Sur le papier, dans la forme démocratique usuelle, le pays est ingouvernable. Il faut prendre ce mot au pied de la lettre. Le pays ne peut pas être gouverné. Ce n’est pas une appréciation subjective. C’est une réalité. Pourquoi ? Si la Première ministre se présente devant l’Assemblée et demande un vote de confiance comme c’est l’usage en démocratie, elle ne trouvera pas une majorité de députés pour la lui accorder. En effet ni la NUPES, ni les Républicains, ni le Rassemblement National ne voteront la confiance. Notons que la Constitution n’oblige pas à faire ce vote. Supposons que madame Borne décide de s’en passer, selon le souhait des « Républicains » comme l’a annoncé son président Christian Jacob.

Supposons qu’elle décide de gouverner du seul fait du prince, sans vote de l’Assemblée. Ou que les députés «Les Républicains» la laissent faire mais décident de s’abstenir pour laisser une majorité relative au vote favorable. Commencerait alors le supplice du goutte à goutte. Vote après vote amendement après amendement, le gouvernement dépendra des uns ou des autres. Comme je l’avais annoncé en fermant la campagne des législatives sur les bords du canal Saint-Martin avec Julien Bayou, c’est le retour de la Quatrième République dans la Cinquième.

Macron est l’homme du chaos permanent. Un chaos durable. En effet, comme le pouvoir ne peut gouverner faute de LR et pour ne pas dépendre que du seul bon vouloir de ce parti, la macronie doit chercher du côté du RN des accointances utiles. En échange de quoi ? C’est sans doute ce qui explique les mots doux des macronistes à l’égard de leurs nouveaux amis lepenistes. Et cela ne sera jamais sans contrepartie. On vu a quelle vitesse les macronistes ont intronisé le RN « premier parti d’opposition ». Olivia Grégoire, porte parole du gouvernement a aussitôt distribué elle-même la consigne de langage venue du sommet « La NUPES étant un rassemblement de partis, le réel premier parti d’opposition c’est le Front National… ». Une reprise pure et simple de l’argument qui avait servi à empêcher l’étiquetage NUPES jusqu’à ce que le Conseil d’État nous donne raison. Le soir même, la télé gouvernementale et le service politique de France 2 ainsi que les diverses chaînes du groupe reprenaient à leur compte la consigne macroniste. Flagrant délit de reconstitution de monde dissout. Tel est le bilan du roi des castors qui appelait naguère à gros sanglots à faire «barrage au front national».

Toute la presse non gouvernementale pour une fois se gausse de ce masque tombé au hasard d’un faux mouvement électoral. Car la famille des Castors vient de prouver qu’elle fait élire les candidats du RN quand l’occasion s’en présente. « Plutôt Hitler que le front populaire » dirait-on au point Godwin sur le sujet, par référence à la période de l’étrange défaite. En tous cas dans 55% des cas de duel entre RN et NUPES, l’extrême droite l’emporte parce que 76% des électeurs macronistes laissent faire. Aurore Bergé n’a-t-elle pas dit : « On avait des cas où c’était compliqué de définir qui était le candidat le plus républicain. Regardez un duel entre François Ruffin et le RN ». Donc ils ne s’en dédisent pas. C’est bien leur droit. Mais alors que valaient les leçons de morale du passé si récent ? Ne s’ébahit que l’ignorant s’il ne s’est pas intéressé au monde tel qu’il est devenu au cours de la décennie. Tous les donneurs de leçons de morale que furent les libéraux finissent dans le giron des pires. Désormais voici les Français engagés sur la pente glissante qui part du tarmac et finit dans l’imitation politique du trumpisme. Comme en Pologne, comme en Hongrie, les chefs libéraux d’hier sont devenus cette variété d’« illibéraux », mués en autoritaires et réactionnaires grand teint en froid avec les liberté individuelles et les droits fondamentaux. Macron est sur cette pente depuis des mois avec vingt-et-une lois de restrictions des libertés en cinq ans dont la fameuse loi de suspicion des musulmans dites « loi séparatisme ». Et le rustique Dupont-Moretti fut bien direct sur ce plateau de télé en présentant l’idée « d’avancer ensemble avec le RN à l’Assemblée ». Mais il n’est pire aveugles que ceux qui ne veulent pas voir.

De toute façon, la difficulté c’est juste de savoir quels principes animent désormais l’homme qui préside le pays. À cette heure, il vient de perdre la légitimité parlementaire de gouverner. Et il ne peut pas se représenter à sa propre fonction. Cela signifie que la guerre de succession est commencée dans sa famille politique recomposée et compliquée. Les surenchères droitières vont aller bon train. En résumé il y a péril de droitisation extrême d’un régime aux abois. Le macronisme est le nom du naufrage moral dans lequel le pays est engagé. Le pli est pris depuis des mois. La double élection présidentielle et législative faussée par les dérobades et les manipulations ont opéré un franchissement de seuil. Le moment dangereux commence. Nous devons donc être en alerte. Le chaos résultant de la défaite de Macron ouvre la voie à tous les dégoûts et assemblages opportunistes possibles. Ce serait le pire pour notre pays."

Au niveau local :

Rue du Blogule Rouge Insoumis s'était particulièrement intéressé aux élections législatives dans les deux premières circonscriptions de la Charente-Maritime.

Dans ces deux circonscriptions, le candidat de la NUPÉS qu'il soutenait a réussi à être présent au deuxième tour mais dans aucune des deux il n'a réussi à être élu.

Dans la première circonscription (La Rochelle/Ré), le candidat de la NUPÉS, l'écologiste Jean-Marc Soubeste, ne réunit que 17 721 voix et 33,89% contre 34 576 voix et 66,11% à Olivier Falorni qui est donc élu.

Voici la réaction de Jean-Marc Soubeste sur facebook :

Quelques mots au lendemain de ces élections législatives. Un grand remerciement d'abord aux 17721 électeurs et électrices qui nous ont accordé leur confiance. Le score est sans appel et je voudrais féliciter le député sortant pour sa réélection. Elle montre son implantation travaillée depuis 10 ans. Le front anti-Nupes a fonctionné à merveilles : jouant sur les peurs du chaos, droite et macronistes se sont retrouvées derrière un candidat caméléon, qui je l'espère retrouvera à l'Assemblée un visage plus conforme aux héritages dont il se réclame. A l'échelle nationale, je me félicite de l'absence de majorité absolue du Président Macron et du retour d'un groupe écologiste à l'Assemblée nationale : bravo à Lisa Belluco, Charles Fournier, Nicolas Thierry, Julien Bayou, et aux autres élus du pôle écologiste et de la Nupes. Nous travaillerons ensemble pour porter les questions vitales pour notre territoire : accès au logement, gestion de la ressource en eau, questions foncières, adaptation au changement climatique.... Nous continuerons aussi à nous opposer aux politiques de casse sociale, de destruction des services publics et d'inaction climatique qui font le jeu du Front national et fracturent notre société

Enfin, nous pouvons nous féliciter de la dynamique de la campagne que nous avons menée : nous avons su en quelques semaines nous rassembler pour travailler ensemble. Ce doit être le point de départ d'une dynamique nouvelle qui seule permettra le retour à gauche de cette belle circonscription de Charente Maritime.

Merci à toutes celles et à tous ceux qui se sont engagé.es dans cette superbe aventure humaine. Un grand merci, pour terminer, à Aline, qui a porté avec force, malgré les attaques et les intimidations, ce que nous sommes : des citoyen.nes humanistes, engagé.es et déterminé.es.

Dans la deuxième circonscription (Rochefort/Surgères/Aytré/Marans), le candidat de la NUPÉS, l'insoumis Nordine Raymond, réunit 24 107 voix et 48,24% contre 25 863 voix et 51,76% à Anne-Laure Babault qui est donc élue. Il ne lui a manqué finalement que 1758 voix. Il arrive cependant premier à Rochefort, à Aigrefeuille et à Aytré !

La réaction à chaud de Nordine :

Et celle de Christine Cousin :

Merci à Nordine Raymond qui a montré dans cette campagne toutes ses qualités d’honnête homme . Merci d’avoir su rassembler des militants de toutes les composantes de la gauche locale et ce n’était ni facile ni gagné ! Le score obtenu est bien mieux qu’honorable, il est générateur d’espoir pour des campagnes et des combats futurs !

Ce sont bien les voix de Châtelaillon et de Fouras plaçant AL Babault très largement en tête devant Nordine Raymond qui l’ont envoyée à l’assemblée nationale. Devant, à Rochefort, Aytré, aigrefeuille, La Ronde ... , mais pas avec assez de voix, Nordine Raymond ne pouvait pas rattraper ce retard !

Une possibilité d’une voix de gauche s’est éteinte dans le confort des stations balnéaires de la deuxième circonscription... un regret au vu de certains résultats dans les terres.

Un regret bien sûr mais aussi une envie de continuer et de consolider ce travail de rassemblement à gauche qui ne rassemble pas des extrémistes comme on n’a cessé de le dire et de le faire croire, mais des femmes et des hommes qui souhaitent un pays plus juste, plus digne, sans distinction de sexe, d’origine, de couleur, de croyance, de choix de vie. Ce que ni le RN (et ses affidés) , ni La Macronie (et tous ceux qui vont la rejoindre pour sauver leur vieille peau politique) ne sont prêts à faire, coincés qu’ils sont entre idées réactionnaires agitant des peurs d’un autre temps pour les uns et ultra-libéralisme prônant un capitalisme profitant aux « premiers de cordées » pour les autres.

Si on ne veut pas comme l’écrit Camus que « la politique contemporaine ne soit une machine à désespérer les hommes » il faut continuer à se mobiliser, à revendiquer, refuser l’inéluctable , proposer des changements pour une vie meilleure...

N’oubliez pas : 89 député.es RN sont entré.es à l’Assemblée Nationale ! Imputables en grande partie aux conséquences de la politique menée pendant cinq ans par E. Macron.

«Quand le fascisme se rend au chevet d’une démocratie, ce n’est pas pour demander de ses nouvelles. » encore Camus , bien sûr !

Christine Cousin, présidente de Vivre à Châtel et conseillère municipale.

Juste avant ce deuxième tour, Nordine écrivait sur sa page facebook :

"Ici aussi je peux écrire pour la dernière fois

Même si ce compte est personnel, contrairement à ma page, beaucoup de mes ami.e.s me soutiennent.

J’ai vécu une campagne incroyable. Lorsque j’ai décidé de revenir à Rochefort pour faire campagne nous étions à peu près 5. Cette semaine, à l’occasion du second tour plus de 100 personnes étaient sur le terrain.

J‘ai essayé de faire campagne comme j’aime la vie : avec des gens et en leur faisant confiance ; dynamique et festive. Je trouve que les politiques ne parlent pas assez de bonheur et c’est pourtant bien là notre tâche le bonheur collectif. Une campagne doit être heureuse !

Évidemment, des coups ont été violents. On m’a accusé d’être d’extrême gauche, de ne pas être républicain, on a tagué des affiches… mais tout ça n’est rien à côté du soutien que j’ai reçu et de l’amour (oui de l’amour).

Merci à ma famille, particulièrement à ma mère, qui croit toujours en ce que nous portons. Merci à mes ami.e.s toujours prêts à me soutenir et qui ont parfois fait beaucoup de route pour nous soutenir. Merci à mon amour de supporter cette vie. Merci à Jonas d’avoir si bien géré. Merci à Anne et Martine qui m’ont toujours compris. Merci à Franck et à la vie de cette rencontre. Merci à Clémence et Clément de leur amour à distance.

Merci aux militant.e.s. Souvent, je vous ai entendu dire « nous sommes les petites mains » ! Vous êtes les essentiels de cette campagne. Vous avez été capable de militer dans des conditions de fatigue extrême et de chaleur.

Merci Ludivine d’avoir accepté de me suivre dans cette folle aventure et d’avoir mené cette campagne avec autant d’intelligence et de patience. Je n’en dirai pas plus pour garder mes larmes de joie pour dimanche soir.

J‘ai tout donné dans cette bataille. J’espère qu’elle sera victorieuse pour qu’enfin cesse les jours mauvais.

Dimanche, l’avenir s’écrira dans les urnes !“

Nordine Raymond