Racisme et préjugés historiques
Ils sont victimes en France du racisme le plus évident et le plus éhonté. Si ton voisin est cambriolé, c’est peut-être pas de la faute à Mélenchon mais c’est sûrement de la faute aux Romanichels !
En 1867 déjà, Flaubert, écrivant à Georges Sand, indiquait : "Cette haine-là (celle des Bourgeois vis-à-vis des “Bohémiens“) tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère.“
Depuis le XVème siècle, les préjugés sur les Tsiganes vont en effet bon train : voleurs de poule, habitants de caravane, joueurs de guitare, espions voyageurs ; Roms, Manouches, Gitans, tous les mêmes ! Véhiculés dans tous les cercles, par la littérature, le cinéma et la presse, ces stéréotypes ont créé un sentiment de défiance face à ces populations françaises, pour certaines installées sur le même territoire depuis plusieurs siècles mais qui cultivent un autre rapport au monde et à l’espace.
Si leur situation fut différente suivant les pays européens, elle fut souvent déterminée par la haine raciste.
En France, le comportement agressif et violent de l’État s’aggrava considérablement avec Daladier et Pétain :
Dès les mois de septembre et octobre 1939, la circulation des nomades fut interdite dans plusieurs départements français. En Indre-et-Loire, les nomades furent même expulsés. Le 22 octobre 1939, le Général commandant la 9ème région militaire interdit la circulation des nomades dans 8 départements de l'ouest de la France et leur stationnement dans le Maine-et-Loire et l'Indre-et-Loire.
Le décret du 6 avril 1940 interdit la circulation des nomades sur l’ensemble du territoire français pour la durée de la guerre : "Article 1 - La circulation des nomades est interdite sur la totalité du territoire métropolitain pour la durée de la guerre. Article 2 - Les nomades, c'est-à-dire toutes personnes réputées telles dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi du 16 juillet 1912, sont astreints à se présenter tous les quinze jours qui suivront la publication du présent décret, à la brigade de gendarmerie ou commissariat de police le plus voisin du lieu où ils se trouvent. Il leur sera enjoint de se rendre dans une localité où ils seront tenus à résider sous la surveillance de la police. Cette localité sera fixée pour chaque département par arrêté du préfet."
Mais l’oppression atteignit son paroxysme avec l’occupation nazie.
En 1936, l’internement de Tsiganes avait débuté à Dachau et l’Institut de biologie raciale avait été créé.
Ce mécanisme s’étendit en 1937 aux pays alliés aux nazis.
Le 1er juin 1938, Reinhard Heydrich ordonna à la Kripo (opération policière : Aktion Arbeitsscheu Reich) de rafler les asociaux aptes au travail : mendiants, Tziganes, vagabonds, proxénètes, prostitués.
Les stérilisations devinrent massives en 1938 et les déportations vers les camps de la mort, en Pologne surtout, s’intensifièrent à l’automne 1939.
En février 1940, à Buchenwald, le gaz mortel zyklon B fut testé sur 250 enfants roms raflés à Brno.
Puis commencèrent la faim, le froid, le travail exténuant, les maladies des camps, les brutalités, les expérimentations pseudo-médicales, les massacres dans les forêts et les villages par les Einsatzgruppen, commandos d’extermination allemands, et leurs supplétifs.
L'ordonnance allemande du 4 octobre 1940 exigea l'internement de tous les Tsiganes dans des camps administrés et surveillés par les autorités françaises :
1 - Les Tsiganes se trouvant en zone occupée durent être transférés dans des camps d’internement, surveillés par des policiers français.
2 - Le franchissement de la ligne de démarcation vers la zone occupée leur fut interdit par principe.
L'ordonnance était accompagnée d’une définition qui élargissait la notion de bohémien à tous les forains : « Seront considérées comme bohémiens toutes les personnes de nationalité française et étrangère, sans domicile fixe, et vagabondant en région occupée selon l’habitude des Bohémiens (nomades, forains) sans tenir compte si elles sont en possession d’un carnet d’identité, carnet anthropométrique ou non. »
Dans chaque département, les préfets demandèrent à la gendarmerie de recenser puis de regrouper les nomades et de les surveiller. Dès l’automne 1940, les tziganes originaires d’Alsace-Lorraine furent internés dans les camps d’Argelès-sur-Mer et de Barcarès (Pyrénées-Orientales), puis transférés à Rivesaltes.
L'ordonnance allemande du 22 novembre 1940 interdisant l'exercice des professions ambulantes dans 21 départements de l'Ouest de la France permit l'arrestation de nouveaux nomades et forains que les Allemands assimilèrent aux Tsiganes contrairement aux autorités françaises.
Environ 6 500 hommes, femmes et enfants ont été internés entre 1940 et 1946 dans 30 camps d'internement français en raison de leur appartenance réelle ou supposée au peuple tsigane : à Angoulême, Linas-Montlhéry, Jargeau, Poitiers, Moisdon-la-Rivière, Coudrecieux, Montreuil-Bellay, Saliers, la Morellerie, etc.
(“1946“ n’est pas une faute de frappe : les internés dans les camps ne furent libérés qu’en mai 1946 !)
Voir dans Périgny Story “les soeurs Claret“ :
et sur le même site, l’histoire du camp des Alliés à Angoulême :
(http://perignystory.e-monsite.com/pages/content/le-camp-des-alliers.html)
28 000 Roms disparurent, en Croatie, dans le camp de Jasenovac, l’un des plus connus, constitué de cinq sites de détention créés entre août 1941 et février 1942 par les autorités de l'État indépendant de Croatie, au confluent des rivières Una et Sava. Dans ce camp furent déportés en majorité des Serbes (femmes et enfants compris), des Juifs et des Tziganes ainsi que des résistants aux nazis et aux Oustachis (des Serbes en particulier).
Le 16 décembre 1942, par décret, Heinrich Himmler ordonna que tous les Tsiganes vivant encore sur le territoire du Reich soient déportés à Auschwitz où un camp avait été conçu spécialement pour eux : le camp des familles tziganes.
En Pologne occupée, du 2 au 3 août 1944, le Zigeunerlager d'Auschwitz-Birkenau fut vidé des quelques 4 200 à 4 300 derniers tsiganes qui furent gazés et brûlés (20 000 déportés roms, originaires de 14 pays d'Europe, y avaient été exterminés auparavant).
Le 2 août a été proclamé Journée de commémoration de leur génocide.
Les déportés tsiganes portaient un triangle marron ou noir (selon les camps) et le tatouage Z pour Zigeuner (Tsigane en allemand).
Les historiens estiment que les Allemands et leurs alliés ont exterminé de 25 à 50 % de tous les Tsiganes européens. Selon des estimations officielles, près de 500 000 Roms d'Europe, considérés comme racialement inférieurs, ont été assassinés sous le Troisième Reich.
Certaines déclarations officielles prétendirent quand même que les persécutions du régime nazi n’étaient pas fondées sur des raisons raciales, mais sur la seule criminalisation de comportements asociaux (Land de Wurtemberg en 1950, gouvernement de Bonn en 1971, Conseil central juif en 1985) !
En 1982, le chancelier allemand Helmut Kohl reconnut formellement le génocide des Tsiganes.
Le 24 octobre 2012, la chancelière Angela Merkel inaugura à Berlin le mémorial aux Roms victimes du nazisme.
Le 29 octobre 2016, à Montreuil-Bellay, le Président de la République, François Hollande, reconnut la responsabilité de la France dans l'internement de milliers de Tsiganes (entre 6 000 et 6 500) de 1940 à 1946 : "La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa responsabilité est grande".
Néanmoins, le racisme anti-Rom ou anti-Tzigane est encore une réalité de la France actuelle !
Pourtant, n’est-il pas normal de répondre “oui“ à la question : « Avons-nous le droit de vivre en nomade ? » Et “non“ à : « La sédentarité est-elle un mode de vie obligatoire ? »
La Déclaration universelle des droits de l'homme datant du 10 décembre 1948 stipule dans son article 13, que : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. »
Il est possible de s’appuyer sur elle pour donner une base juridique et légale au nomadisme.
Roms, Tsiganes, Manouches, gitans ou gens du voyage, quelle différence ?
La première erreur à éviter est d'associer les populations tsiganes, roms ou gitanes aux gens du voyage. Ces derniers n'étant qu'une catégorie administrative désignant majoritairement des Français ayant un mode de vie itinérant. Seule une petite partie des Tsiganes est nomade.
De plus, la principale distinction entre les Tsiganes et les gitans est géographique. L'appellation "gitan" désigne les Tsiganes de la péninsule ibérique et du sud de la France.
Les Tsiganes constituent la plus importante minorité européenne. Ils seraient 12 millions en Europe, 6 millions dans l'UE, principalement en Bulgarie et en Roumanie.
Le mot tsigane, qui signifie intouchable en grec médiéval, désigne la plus grande minorité européenne : ils seraient 10 à 12 millions en Europe, dont six millions dans l’Union européenne, principalement en Bulgarie et en Roumanie. On considère que les Tsiganes sont originaires du nord-ouest de l’Inde. Au xve siècle, ils quittèrent leur région d'origine pour se retrouver en Grèce (Péloponnèse). Les voyageurs italiens ont ensuite donné comme nom à cet endroit « La Petite Égypte » et leurs habitants Egyptiano, ce qui donnera Gitano en espagnol, puis « Gitans » en français, puis Cigano en portugais. En Grande-Bretagne, ils sont appelés Gypsy.
Les gitans sont également présents dans le sud de la France depuis le Moyen Âge, notamment à Perpignan où ils se sont sédentarisés. Selon plusieurs sources, les premiers Gitans seraient apparus en France dans l'Ain en 1419. Il existe aussi de nombreuses autres communautés gitanes à travers l'Hexagone, dont la grande majorité est également sédentaire.
Les Roms, qui font partie de la famille des Tsiganes, ont émigré en Europe et en Amérique du Nord (où ils se sont sédentarisés).
“Tsigane" et "Rom" désignent aujourd'hui la même population. Pourtant, à l'origine, les "Tsiganes" étaient les membres d'une secte composée principalement d'Arméniens, en Asie mineure. Cette secte disparut au XIème siècle, au moment même où les Roms arrivèrent, ce qui aurait causé cette confusion. Ils furent ensuite chassés vers l'ouest et arrivèrent en France vers le XVème siècle.
Actuellement, il y aurait entre 350.000 et 500.000 Roms en France, dont la quasi-totalité est de nationalité française.
"Rom" signifie "homme" en hindi. La principale différence provient surtout du contexte et de celui qui prononce ces mots. "Rom" est plutôt une revendication de cette population, là où "Tsigane" est un terme plus générique, plus administratif, utilisé par des "non-Roms" et qui peut être péjoratif pour certains Roms.
Ajoutons que les Français sédentaires, trop souvent nuls en histoire comme en géographie, confondent souvent “Roms“ et “Roumains“.
On désigne donc comme "Rom", ceux qui partagent la même origine et la même langue : le romani.
"Romanichel", littéralement "le peuple Rom", serait l'expression la plus appropriée, mais elle est connotée péjorativement.
Quant à “Manouche“, du sanskrit Manushya, Manu, « Homme , c’est le nom donné en France aux Sinti ou Cinti, un groupe ethnique en partie nomade, ou encore aux Roms Kalderash, rassemblés sous le nom de « Roms » avec d'autres groupes ethniques.
« Gens du voyage » est un terme administratif qui désigne un mode de vie non sédentaire.
Ce terme apparaît dans une circulaire de 1972 pour l'application de la loi de 1969 sur l’exercice des activités économiques ambulantes. Cette loi remplace notamment le carnet anthropométrique institué par la loi de 1912 sur les nomades par un livret de circulation. En 2000, la notion de "Gens du voyage" est précisée par la loi du 5 juillet et désigne "les personnes dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles". (220 à 250 000 personnes environ en 2000).
L’expression « gens du voyage » est donc une catégorie juridique du droit français, introduite par la circulaire du 20 octobre 1972 d’application de la loi du 3 janvier 1969 « sur l’exercice des activités économiques ambulantes et le régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe », qui distinguait parmi celles-ci celles qui logeaient de façon permanente dans un « véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile ».
Cette notion a été reprise dans la loi du 31 mai 1990, puis a été précisée par la loi du 5 juillet 2000 qui désigne « les personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles », afin de caractériser une catégorie de la population de nationalité en très grande majorité française. Dans la pratique, l'appellation "Gens du voyage" est souvent utilisée pour désigner les Roms (ou Tsiganes) de France (y compris les Manouches et les Gitans), bien qu’ils ne soient itinérants que pour environ 15% d’entre eux.
La plupart des Roms en France sont français. Ceux qui ne le sont pas sont souvent d’origine bulgare ou roumaine et sont devenus citoyens européens après l’adhésion de ces deux pays à l’Union européenne en 2007. Ils bénéficient de la liberté de circulation dans l’Union européenne depuis cette date.
Depuis janvier 2014, ils ont libre accès au marché du travail.
Bien peu de populations, autant que ces nomades, ont suscité autant de haine, d'oppositions et de polémiques et posé autant de problèmes aux législateurs, qui, après les avoir oppressées puis dédaignées, ont agi envers elles soumis aux pressions des sédentaires.
Quelques dates importantes récentes, la longue litanie de 32 années de législation et de mesures peu, pas ou mal appliquées
(Présidence Mitterrand 2)
31 mai 1990
La loi sur le droit au logement - dite loi Besson -
Elle obligea les villes de plus de 5 000 habitants à prévoir des "conditions de passage et de séjour des Gens du voyage sur leur territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet".
LES EFFETS ACTUELS DE LA LOI BESSON
À la fin de 2015, 26 873 places étaient disponibles, soit 25 % de plus qu’en 2010. (à comparer aux 220 à 250 000 personnes vivant en résidence mobile en 2000).
Dans la mesure où le nombre de places inscrites dans les schémas départementaux a été révisé à la baisse (- 7 % par rapport à fin 2010), le volume des places disponibles atteignait, à la fin de 2015, 69 % du total prescrit.
Des disparités importantes demeuraient : le taux de réalisation était particulièrement faible en Île-de-France où il restait 3 104 places à créer sur les 5 471 envisagées, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, où il manquait 1 724 places sur 2 774, et en Nord – Pas-de-Calais, où 936 places étaient manquantes sur 2 498 ; 17 départements seulement, tous situés en dehors de ces trois régions, avaient totalement rempli leurs obligations ; de nombreuses aires étaient peu fréquentées, en raison d’une implantation géographique inadaptée.
14 janvier 1991
Adoption dans chaque département d’un plan d’accueil des nomades ; obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants d’aménager des espaces réservés, formation par l’Éducation nationale de moniteurs tsiganes extérieurs à l’école et création de postes de "coordonnateurs" pour pallier la faible scolarisation des enfants (taux d’analphabétisme de 70%).
(Présidence Chirac 1)
5 juillet 2000
Promulgation de la loi relative à l’accueil et à l’habitat des Gens du voyage, dite seconde loi Besson.
Elle abroge les dispositions de la première loi Besson relatives aux Gens du voyage et renforce les obligations des communes à l’égard de cette communauté. La loi prévoit qu’un schéma départemental déterminera les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil, ainsi que les communes où celles-ci doivent être réalisées. Il peut s’agir de terrains destinés à des séjours longs - voire permanents -, au simple passage, ou à une utilisation temporaire liée à des rassemblements occasionnels.
Depuis lors, les lois répressives et les luttes revendicatives des “gens du voyage“ se succèdent à travers quatre mandats présidentiels :
(Présidence Chirac 2)
Mars 2003
La loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure (JO du 19) renforçait les sanctions contre les nomades en cas de délit d’installation illicite sur une propriété privée ou publique "au moyen d’un véhicule automobile". Dans ce cas, les forces de l’ordre pouvaient confisquer le véhicule en cause et suspendre le permis de conduire de l’auteur des faits pour une durée maximale de trois ans, des peines de six mois de prison et une amende de 3 750 euros étaient également possibles.
Décembre 2005
Le 5, manifestation à Paris de Gens du voyage qui protestent contre l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement à la loi de finances 2006, imposant une "taxe-vignette" sur les résidences mobiles.
La loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005 (JO du 31) prévoyait un dispositif relatif à la nouvelle taxe d’habitation "Gens du voyage" (applicable à compter du 1er janvier 2007) qui visait à étendre le paiement de cette taxe aux personnes dont l’habitat principal était constitué d’une "résidence mobile terrestre" ou caravane.
Janvier 2007
Manifestation à Paris et dans plusieurs grandes villes des associations regroupées au sein de la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT), contre une disposition du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui prévoyait qu’en cas de stationnement irrégulier, le maire ou le propriétaire du terrain privé pouvait demander au préfet l’expulsion des occupants dans un délai réduit à 24 heures. Face à un besoin total estimé à 40 000 places, moins de 20% de l’objectif avait été réalisé six ans et demi après l’adoption de la loi de 2000.
5 mars 2007
Publication de la loi relative à la prévention de la délinquance.
Elle modifiait les règles applicables en matière d’évacuation des Gens du voyage installés illégalement sur des terrains, substituant à la procédure judiciaire en vigueur auparavant une procédure de police administrative.
(Présidence Sarkozy)
7 février 2008
Adoption en assemblée plénière de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) d’un document intitulé "Étude et propositions sur la situation des Roms et des Gens du voyage en France".
14 septembre 2009
Rapport spécial de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) sur la situation des Gens du voyage
La Haute Autorité recommandait que les conditions de délivrance et de contrôle du carnet de circulation soient redéfinies. Elle souhaitait également qu'un accès non discriminatoire au droit de vote soit garanti aux Gens du voyage.
Juillet 2010
Le 18, attaque de la gendarmerie de Saint-Aignan (Loir-et-Cher) attribuée à des "Gens du voyage", suite à la mort d’un des leurs tué par un gendarme dans la nuit du 16 au 17 juillet, après avoir forcé un contrôle routier.
Le 28, réunion ministérielle autour du président de la République sur "la situation des Gens du voyage et des Roms" prit pour principales décisions : l’évacuation systématique de tous les campements illicites, la vérification par les services fiscaux de la situation de leurs occupants et la reconduite à la frontière des ressortissants d’Europe orientale en situation irrégulière en France.
Août 2010
Chargé de veiller à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale des Nations unies, le comité contre l’élimination de la discrimination raciale (CERD) recommanda à la France "d’éviter les rapatriements collectifs" de Roms et déclara qu’en visant un groupe plutôt que des individus, la France contrevenait à ses obligations.
4 septembre 2010
Manifestations à travers la France contre la politique sécuritaire du gouvernement à l’appel des associations de Roms et Gens du voyage, de la Ligue des droits de l’homme (LDH), Médecins du monde, la Cimade, Attac, la CGT et la CFDT, Droit au Logement (DAL), etc.
Manifestations également devant les ambassades françaises de plusieurs pays de l’Union européenne.
7 septembre 2010
Le 7, débat à Strasbourg, lors de la session plénière du Parlement européen, sur la situation des Roms en Europe. Le 9, une résolution du Parlement rappelle aux États membres leurs obligations en matière de lutte contre le racisme et la discrimination à l’égard des Roms et la nécessité de matérialiser un plan d’action européen et notamment des aides à leur intégration sur place. La résolution presse la France de "suspendre sur-le-champ" les expulsions de Roms.
Janvier 2011
Publication du rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, tirant un premier bilan en demi-teinte de la loi de 2000 sur l’accueil et l’habitat des Gens du voyage.
7 avril 2011
Annulation par le Conseil d’État d’une circulaire du ministre de l’Intérieur relative à l’évacuation des campements illicites qui désignait spécialement les Roms.
2 décembre 2011
Le Défenseur des droits recommande l'abrogation du régime spécial d'inscription sur les listes électorales auquel sont soumis les Gens du voyage (décision R-2011-11).
(Présidence Hollande)
22 août 2012
Lors d’une réunion interministérielle sur les Gens du voyage, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, annonce l’assouplissement des conditions d’embauche des Roumains et Bulgares (la liste des métiers ouverts doit être élargie et la taxe due par l’employeur pour une embauche supérieure à un an, supprimée). Le gouvernement doit aussi examiner, après discussions avec les États concernés, l’hypothèse d’une levée anticipée des mesures transitoires (prévues jusqu’au 31 décembre 2013 au plus tard).
29 août 2012
Publication d’une circulaire relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites. Le texte définit une méthodologie pour les services de l’État et les acteurs locaux afin de trouver des solutions qui permettent aux personnes concernées de partir des campements.
5 octobre 2012
Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel invalide plusieurs dispositions de la loi de 1969 relative aux Gens du voyage. Tout en considérant que l’existence de titres de circulation était justifiée par la différence de situation entre les personnes qui ont un domicile et celles qui en sont dépourvues, le Conseil juge que l’obligation de faire viser tous les trois mois ces titres porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir. De plus, l’existence de titres distincts suivant les ressources des personnes n’est pas conforme au principe d’égalité. Le Conseil étend donc à l’ensemble des personnes concernées la seule obligation de détention du livret de circulation. Le Conseil déclare par ailleurs contraire à la Constitution l’obligation de justifier de trois ans de rattachement dans la même commune pour permettre une inscription sur les listes électorales.
11 octobre 2012
Publication par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes d’un rapport sur l’accueil et l’accompagnement des Gens du voyage. Le rapport montre les carences du pilotage de cette politique publique, souligne la réponse limitée apportée à l’évolution importante des besoins des Gens du voyage en termes d’habitat. Il analyse aussi les mesures prises en matière d’accompagnement social et de scolarisation, qui ne sont pas à la hauteur des difficultés sociales et des problèmes particuliers d’accès aux droits des Gens du voyage.
12 juillet 2013
Remise au Premier ministre du rapport de mission du préfet Hubert Derache sur le statut administratif des Gens du voyage. Le rapport propose de modifier à nouveau la loi de 1969 relative aux Gens du voyage :
- en supprimant le livret de circulation, document à viser au moins une fois par an, pour ne conserver que le livret spécial de circulation "A" et ainsi mettre à parité de droits les voyageurs avec le reste de la profession des forains ;
- en mettant fin au principe de "rattachement administratif à une commune" et au seuil de 3% (pourcentage maximum accepté de Gens du voyage dans la population totale de la commune de rattachement).
17 octobre 2013
Dans l'arrêt Winterstein c. France, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) juge que les caravanes, cabanes ou bungalows installés sur des terrains doivent être, dans certains cas, considérés comme des domiciles. La Cour reconnaît que "la vie en caravane fait partie intégrante de l'identité des Gens du voyage, même lorsqu'ils ne vivent plus de façon nomade". En France, la caravane n'est pas reconnue comme un logement.
28 mars 2014
Le comité des droits de l’homme des Nations unies condamne la France pour violation du paragraphe 1 de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) du 16 décembre 1966, à la suite du recours d’un plaignant condamné en 2010 pour "défaut de visa" d’un carnet de circulation.
24 novembre 2014
Publication d’une décision du Défenseur des droits recommandant au gouvernement et au Parlement de se saisir d’une réforme visant en premier lieu à l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969, afin d’assurer le respect du droit à la vie privée et familiale des Gens du voyage.
7 août 2015
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) rend les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'aménagement, entretien et gestion des aires d'accueil et des terrains familiaux locatifs à compter du 1er janvier 2017.
Depuis 2015, les montants versés (aux collectivités en charge de réaliser ces aires) au titre de l’Aide au logement ont baissé, en passant de 36,7 M€ en 2014 à 32 M€ en 2015, du fait d’un taux d’occupation moyen constaté d’environ 55 %. Ce financement est assuré à parité par la CNAF (branche famille) et l’État.
27 janvier 2017
Promulgation de la loi Égalité et citoyenneté qui abroge la loi du 3 janvier 1969 et supprime le statut spécifique des Gens du voyage (notamment le livret de circulation).
Février 2017
Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes dresse un bilan de l'accueil et de l'accompagnement des Gens du voyage.
Constatant un renforcement de l'ancrage territorial des Gens du voyage (occupation quasi permanente des aires d'accueil), la Cour en conclut que c'est l'attachement à la vie en caravane, plus que le mode de vie itinérant, qui identifie cette population.
D’après un rapport public annuel de 2017, les principaux obstacles techniques qui freineraient la réalisation des aires d’accueil sont la difficulté de mobiliser des réserves foncières dans les zones de logement tendues et, depuis fin 2008, la disparition du soutien financier de l’État, en application des dispositions de la loi du 5 juillet 2000.
Mais la principale raison invoquée par les élus – au-delà du coût de l’investissement, estimé entre 15 000 € et 50 000 € par emplacement de caravane, à la charge des collectivités – demeure la difficulté, particulièrement dans des zones sous tension urbanistique, à faire accepter ce type d’équipement par la population.
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRé) applique le principe selon lequel ces situations doivent se gérer au niveau d’un territoire plus vaste que celui de la commune : à compter du 1er janvier 2017, la compétence « aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil » est donc devenue une compétence obligatoire des communautés d’agglomération et des communautés de communes.
(Présidence Macron 1)
7 novembre 2018
Promulgation de la loi relative à l'accueil des Gens du voyage et à la lutte contre les campements illicites.
Promulguée le 7 novembre 2018 elle a été publiée au Journal officiel du 8 novembre 2018
La loi prévoit de distinguer clairement les compétences respectives des communes (présence d'une aire ou d'un terrain d'accueil sur leur territoire et participation, le cas échéant, à leur financement) et des établissements publics de coopération communale (EPCI) chargés de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion de ces aires et terrains.
Les représentants de groupes de gens du voyage devront informer les autorités publiques en cas de grands rassemblements et de grands passages (groupe de plus de 150 caravanes) afin de mieux les organiser et de confier au préfet le pouvoir de police lors de ces manifestations.
Le texte réforme les procédures d'évacuation des stationnements illicites de gens du voyage et prévoit qu'une commune remplissant ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage est en droit d'évacuer les campements illicites. Cette possibilité est ouverte au maire y compris si l'EPCI auquel la commune appartient n'a pas rempli ses obligations.
Les sanctions pénales en cas d'occupation illicite d'un terrain sont renforcées. Les peines encourues en cas d'installation en réunion et sans titre sur le terrain d'autrui sont doublées. La procédure d'amende forfaitaire délictuelle sera appliquée.
23 septembre 2020
Publication, par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, des résultats d'une enquête sur la situation des Roms et des Gens du voyage dans six pays de l'Union.
Malgré une législation européenne qui promeut l'égalité, l'enquête montre que la discrimination à l'encontre des Roms et des Gens du voyage est très répandue. 45% des répondants déclarent avoir eu le sentiment d'avoir subi des discriminations dans au moins un domaine de la vie au cours des douze derniers mois.
25 septembre 2020
Le Conseil d'État rejette la demande d'annulation du décret du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation. Deux associations de Gens du voyage réclamaient l'abrogation de ce décret afin que le dispositif d'indemnisation ne soit pas réservé aux seules victimes des lois antisémites mais étendu aux tsiganes, forains et membres de la communauté des Gens du voyage.
12 mars 2021
Publication d'une recommandation du Conseil de l'Union européenne sur l'égalité, l'inclusion et la participation des Roms.
La recommandation demande aux États membres d'élaborer, avant la fin 2021, des stratégies nationales qui intègrent des mesures en faveur des Roms dans sept domaines clés (égalité, inclusion, éducation, etc.).
6 octobre 2021
La Défenseure des droits, Claire Hédon, publie le rapport :
"Gens du voyage : lever les entraves aux droits.
Elle alerte sur les discriminations systémiques vécues par les gens du voyage et les insuffisances en matière d’aires d’accueil.
Partant des travaux réalisés par l’institution depuis de nombreuses années (réclamations individuelles, avis, recommandations générales) et des consultations menées depuis le début de son mandat auprès des gens du voyage, des associations et des institutions concernées, la Défenseure des droits constate des discriminations systémiques à l’égard des gens du voyage en matière de logement, d’accès à l’éducation ou encore à la santé.
Les gens du voyage et les Roms constituent la minorité la plus largement victime de discriminations sur le fondement de l’origine réelle ou supposée, et plus d’un Français sur deux (52%) dit se sentir mal à l’aise à l’idée d’avoir des Roms ou des gens du voyage comme voisins.
Elle souligne que l’absence de reconnaissance de la caravane comme « logement » est notamment à la source de discriminations dans différents domaines : la domiciliation, le lieu d’imposition, l'ouverture d’un droit aux aides au logement (APL), l'accès aux crédits et aux assurances, la protection contre la suspension des fluides et de l’eau en période hivernale, l’obtention du droit de garde d’un enfant, etc.
La Défenseure des droits souhaite également alerter sur les conditions d’accueil des gens du voyage qui portent atteinte au droit fondamental à un logement convenable. Les objectifs d’accueil quantitatifs et qualitatifs prévus par la loi du 5 juillet 2000 ne sont toujours pas atteints, ce qui expose les voyageurs à des expulsions fréquentes.
Les insuffisances en matière d’équipements et d’accès à l’eau potable, l’éloignement des services publics et notamment des écoles, ainsi que l’exposition aux risques environnementaux aggravent la situation.
La Défenseure des droits formule donc plusieurs recommandations, notamment la mise en œuvre du pouvoir de substitution du préfet en cas de non-respect par une commune de ses obligations de création d’aires d’accueil et la modification du Code de l’environnement permettant que les règles de distance entre une ICPE et une zone d’habitation soient étendues aux aires d’accueil.
En outre, la Défenseure des droits tient à rappeler que les refus de scolarisation opposés aux familles de gens du voyage en raison de l’occupation illicite d’un terrain sont illégaux et alerte sur les données inquiétantes relatives au décrochage scolaire des enfants « du voyage ». La Défenseure des droits souhaite que soient recueillies des données sur ce phénomène et que soient adoptées des mesures afin d’y remédier.
La lutte contre le non-recours est un enjeu majeur pour l’accès aux droits des gens du voyage.
La Défenseure des droits invite les gens du voyage et les associations qui les représentent à la saisir et s’engage à sensibiliser et former son réseau de délégués aux difficultés qu’ils rencontrent.
Pour que des mesures de régulation puissent être appliquées et pour que les populations nomade et sédentaire cessent de s'opposer et puissent se côtoyer en toute sérénité, il faudrait une vraie volonté politique et que disparaisse le mépris raciste envers ces populations nomades. C'est pas gagné !
Les grands passages
Ils se déroulent principalement – mais non exclusivement – de fin avril à septembre et rassemblent des gens du voyage qui exercent par ailleurs leurs activités artisanales ou commerciales dans les zones touristiques et frontalières, pour des durées allant d’une semaine à trois semaines.
Le nombre d’aires de grand passage est insuffisant : au 1er janvier 2014, 170 aires avaient été réalisées sur les 348 prescrites dans les schémas départementaux, soit un taux de 49 %.
Toutefois, de nombreuses aires ne remplissent pas les conditions de dimension attendues par les gens du voyage, c’est-à-dire au moins 200 places de caravanes : elles sont souvent limitées à 80 places et ne peuvent donc accueillir les grands groupes.
En outre, leurs implantations sont parfois éloignées des positions agglomérations ou inappropriées, ce qui suscite un rejet parmi les gens du voyage.
La notion de « grand passage » doit être distinguée de celle de « grand rassemblement », même si des liens existent entre elles.
Les grands passages sont des déplacements collectifs de gens du voyage de 30 à 200 caravanes, essentiellement pendant la période estivale.
Les grands rassemblements, principalement à vocation cultuelle, notamment ceux organisés par l’association Mission évangélique tsigane – Vie et Lumière – sur son terrain à Nevoy dans le Loiret, peuvent réunir plusieurs milliers de caravanes et une population pouvant aller jusqu’à 30 000 ou 40 000 personnes.
Les grands passages sont en grande partie liés aux grands rassemblements, les gens du voyage se regroupant pour se rendre vers ceux-ci. Mais ils peuvent avoir en outre une vocation économique.
Bibliographie autour du thème
Rue du Blogule Rouge conseille la lecture de :
Marc Bordigoni, « Gitans, Tsiganes, Rom, Idées reçues sur le monde du voyage », Éditions Le Cavalier bleu, Paris 2019, 206 pages
Anina (avec Frédéric Veille), « Je suis Tzigane et je le reste, Des camps de réfugiés Roms jusqu’à la Sorbonne », City Éditions, 2013, 201 pages
Pour une connaissance plus détaillée :
https://compilhistoire.pagesperso-orange.fr/Rom.htm
De redondantes polémiques sont à suivre sur Internet :