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Rue du Blogule Rouge Insoumis

Rue du Blogule Rouge Insoumis

Dans la rue du blogule rouge on s'intéresse à toutes les affaires de la cité et des citoyens.

Publié le par ruedublogulerougeinsoumis
Chacun ses références

2023 constituera le 140ème anniversaire de la mort de Karl Marx. Voilà par exemple une référence londonienne qui importe.

La mort, la semaine dernière (8 septembre 2022), d'Élisabeth II, si elle me laisse de marbre quant à la symbolique monarchique qu'elle évoque et m'agace quant au déferlement de commentaires peoples qu'elle provoque, me remémore plutôt quelques anciennes anecdotes personnelles.

C'était au siècle dernier, il y a cinquante-deux ou trois ans ! J'avais à peine 17 ans et c'était sans doute ma première sortie émancipatrice sans aucun encadrement familial. Alors, pour mon premier vrai voyage en solitaire, j'étais allé visiter le sud de l'Angleterre et en particulier bien sûr, Londres.

Comme financement ? Peu de choses : le reliquat de mes gages à Palmyrosa, près de Royan, où j'avais fait le cow-boy durant l'été et ma tirelire mise à contribution.

Comme moyens de transport ? train, aéroglisseur, bus et stop.

Comme hébergement ? Des auberges de jeunesse.

À Londres, celle de Highgate, en particulier, m'est restée en mémoire. C'était une bâtisse grise, de style victorien, je crois, dans un quartier du Centre-Nord assez tranquille. Pour y parvenir, on traversait les faubourgs populaires de Camden ou ceux d'Islington.

Elle était dirigée en tous les cas par un “père aubergiste“ glabre, pâle et noueux, sans doute issu de l'Est de la capitale, au redoutable accent cockney, qui glapissait tous les matins à 7h son célèbre et chantant «Get up ! It's breakfast time!», ce qui nous faisait déguerpir en sursaut des lits doubles superposés du dortoir avant la répartition quotidienne des tâches ménagères, cuisine, balayage, vaisselle, etc. et la consommation dudit breakfast, invariablement composé du même mais copieux menu : “eggs and bacon, sausages, white beans with tomato juice, corns milk and sugar“, le tout accompagné bien sûr par “a cup of tea“.

Il faut savoir que peu de yards aux environs de cette auberge, se trouve le cimetière de Highgate. Ce cimetière, ouvert en 1839, devint un endroit à la mode. Il occupe un flanc de colline, légèrement en dessous du sommet de la colline de Highgate, près du parc Waterlow.

Le site est couvert d'arbres, de buissons et de fleurs sauvages plantés ou semées puis laissés à l'abandon, donnant un aspect sauvage à la végétation. Un énorme cèdre du Liban y surplombe la section Ouest. Le cimetière est également une réserve naturelle pour oiseaux et petits animaux. Surtout, de nombreuses célébrités y sont inhumées.

Et donc, bien avant d'aller contempler les gardes d'Elisabeth II au palais de Buckingham, symboles, eux, de la royauté, je fus impressionné par la visite de la tombe décorée de Karl Marx qui est la principale curiosité de ce cimetière et ce n'était pas rien. Nourri dès l'âge tendre au biberon du matérialisme historique et averti par l'intermédiaire de la bibliothèque paternelle des difficultés de sa vie à Londres malgré l'aide de son ami Engels, Karl Marx et son système philosophique symbolisaient pour moi à la fois le passé et l'avenir de l'humanité.

Ayant eu précédemment, lors d'un voyage familial à Moscou, l'occasion de visiter le mausolée de Lénine, j'avais ainsi l'impression de compléter la saga des grands Révolutionnaires. Je savais bien, pourtant, qu'aucun des deux n'était attaché intellectuellement de son vivant aux reliques et qu'il s'agissait là de concessions faites à une idéologie aussi has been que l'encroûté monarchisme aurait pu en ressusciter.

C'était l'hiver, il faisait bien froid à Londres cette année-là et avec mon copain Kenji, un Japonais rencontré à l'auberge, puis au cimetière d'Highgate, en périple initiatique de découverte de l'Europe (il était arrivé à Londres via Rome et Paris), nous nous réfugiions le plus de temps possible dans le métro londonien, compensant l'ennui par de longues conversations (forcément longues car la langue véhiculaire, l'anglais, nous posait évidemment à chacun quelques problèmes) à propos de tout et de rien, et nous refaisions le monde en y mêlant marxisme et taoïsme, Orient et Occident, URSS, bloc de l'Est, Chine Populaire, Vietnam, Japon et USA, bref, rien que de très normal pour des ados (grands et attardés) assez ignorants et inexpérimentés. Mais au-moins, nous étions au chaud. Il existait en effet à Londres un moyen de ne pas payer le métro trop cher : le tarif était fonction de la distance. Alors, nous prenions la ligne circulaire et nous n'en descendions qu'après un tour complet plus une station, donc nous ne payions que la distance la plus courte mais il avait fallu une bonne heure pour faire le tour !

Après avoir laissé passer les heures les plus froides de la matinée, nous pouvions alors, pedibus-jambus, arpenter la capitale britannique et faire semblant de nous intéresser aussi à ses traditions monarchiques. Mais sincèrement, de jeune athée japonais de gauche à jeune athée républicain français de gauche, on s'en foutait. Le decorum impérial japonais valait sans doute bien le Britannique et quant à moi, j'étais plus en phase avec Robespierre qu'avec Capet !

À chacun ses références ! Si Karl Marx en était bien une, nous n'avions aucune révérence pour la reine ! Et finalement, ça n'a pas changé !

 

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