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Rue du Blogule Rouge Insoumis

Rue du Blogule Rouge Insoumis

Dans la rue du blogule rouge on s'intéresse à toutes les affaires de la cité et des citoyens.

Publié le par ruedublogulerougeinsoumis

Promesses de recul social

Macron, qui n’a été élu et réélu que par les castors qui faisaient barrage à Le Pen, veut à toute force faire croire qu’il l’a été sur son programme. Or, dans ses “promesses électorales“, il y avait une réforme du système des retraites. Lors de son premier mandat il avait fait une première tentative  mais avait dû renoncer devant la levée de boucliers et l’actualité covidienne. Il s’agissait alors d’abandonner le système par répartition pour un système de retraite à points ouvrant ipso facto la voie aux fonds de pension et à la capitalisation. 

Aujourd’hui, Macron, réélu et toujours président des Riches, essaye de récidiver en contre-réformant, pour sauver le système par répartition, prétend-il, mais en imposant un recul considérable de l’âge de départ à la retraite et une baisse du ratio Cotisations/ prestations, ouvrant ici encore la voie aux fonds de pension et à la capitalisation, pour ceux qui le pourront. Les autres “les Riens“ ne l’intéressent pas.

Si, dans notre système actuel de retraite, tous les actifs cotisent pour toucher une pension de retraite à la fin de leur carrière, il faut rappeler qu’avant 1930, aucun employé du secteur privé ne bénéficiait encore d'une pension de retraite. De nombreuses luttes ont été menées par les organisations syndicales pour que le système actuel puisse exister. 

Examinons ce concept général de retraite qui est relativement récent et encore loin d’être universel. 

Un concept rare et progressiste. La retraite est un progrès social !

Il n’y a pas que le travail dans la vie.

Une fois admis cette évidence, rendons-nous à merci. Ce n’est qu’un bienfait si, après la période de vie qui lui est consacrée, par la force des choses, puisque, pour avoir des revenus, la plupart des gens doit vendre sa force de travail, on dispose d’une période de repos, permettant des activités différentes, période qu’on souhaite bien sûr la plus longue possible. Une période de retraite. 

Bien qu’il soit pour nous devenu un lieu commun, presque une évidence, ce concept même d’une retraite assumée par la solidarité sociale ne va pas toujours de soi. Nos ancêtres de tout poil, de toute époque, auraient bien voulu en disposer. Mais ils devaient se contenter, lorsqu’ils étaient trop âgés pour subvenir seuls à leurs besoins vitaux, de la solidarité familiale ou même de la charité publique. 

Et c’est encore ce que doivent envisager bien des citoyens de ce monde qui nous envient cette conquête. 

Le système de retraite et le nôtre en particulier - par répartition -  est donc à l’évidence, un immense progrès social, un des plus importants qui soient, avec ceux de la santé et de l‘éducation.

Alors, le sens même du progrès humain, n’est-ce pas d’améliorer encore ce système, de l’étendre à tous, de le rendre plus juste et plus efficient ? Pour cela, c’est une évidence, pour tous, l’âge de départ à la retraite doit diminuer, le montant des pensions augmenter. Procès de production, économies, politiques, doivent se mettre au service de ces évidences et non l’inverse.

A contrario, diminuer le montant des pensions, retarder l’âge possible de départ en retraite, constituent bien des reculs sous-tendus par une volonté réactionnaire, une attaque contre des avantages conquis.

Voici ce qu’on est bien obligé de réaffirmer, face aux mensonges, aux hypocrisies de ceux qui, sous le prétexte de réformer le système pour le rendre plus résistant,  fragilisent la vie des gens et remettent en réalité le cap sur le passé ! 

Le droit à la retraite est une conquête sociale essentielle c’est pourquoi il n’est pas question de laisser quiconque y toucher. Et c’est pourquoi il va falloir le défendre bec  et ongles, quitte à faire grève et à manifester dans la rue pour tous ceux qui le peuvent, autant de fois qu’il sera nécessaire.

Un concept antique

Si elle est assez récente et pas encore universelle, l’idée de retraite est malgré tout fort ancienne puisqu’elle avait déjà germé dans l’Antiquité romaine en particulier. Sous la férule impérialiste de la République romaine puis de l’Empire lui-même, la retraite concerna en effet une catégorie particulière de citoyens : les soldats. 

Car depuis que l’armée s’était professionnalisée, à la fin du 2ème siècle av. J.C., il avait paru nécessaire, au terme des 15 longues et périlleuses années de service militaire effectuées par les légionnaires, de trouver un moyen, pour éviter de se mettre à dos ces anciens soldats, par définition aguerris, combatifs et possiblement revendicatifs, de les récompenser. 

La première solution trouvée par le pouvoir romain fut de distribuer des terres aux veterani (les vétérans - ceux qui avaient fini leur service) . Mais ce système ne plut pas à tout le monde. Les classes supérieures ne le voyaient pas d’un très bon œil car, pensaient-ils, ces terres auraient dû leur revenir de droit. En 41 AV J.C., une ligue d’aristocrates romains se souleva même (Guerre civile fluvienne) contre Octavien (le futur empereur Auguste) . 

La deuxième solution trouvée fut donc la distribution d’une prime de démobilisation -substantielle (de 12 à 20 000 sesterces, alors que la solde annuelle tournait autour de 1000). 

Si ce concept est bien un ancêtre de l’idée de retraite, pas d’anachronisme cependant : la mesure, appliquée par Auguste, n’était pas motivée par le désir d’instaurer une sorte de sécurité sociale assurant aux soldats des moyens de survie après le service, mais plutôt par une volonté de contrôle politique. Suétone rapporte que la mesure visait à empêcher les vétérans de fomenter un coup d’état. L’empereur lui-même aurait décrit l’intérêt de la prime de congé au Sénat en ces termes : « Entretenir les soldats, de telle sorte qu’ils ne puissent pas, sous prétexte de pauvreté, désirer quoi que ce soit qui appartienne aux autres ; les garder sous contrôle et en discipline, de telle manière qu’ils ne soient pas tentés de mal agir ». 

Si, au début, Auguste paya la pension sur sa fortune personnelle, rapidement, il créa une caisse spéciale, “l’aerarium“, alimentée par des taxes (sur l’héritage, sur les ventes aux enchères) et il allongea la durée du service (jusqu’à 20 années) en spéculant que de nombreux soldats mourraient avant.

 

La retraite en France sous l’Ancien Régime

Il faut accomplir un grand bond historique en avant de quelques 17 ou 18 siècles pour retrouver, dans le royaume de France, la notion de retraite. 

C’est en effet à l’époque de l’absolutisme royal que le plus ancien des régimes sociaux fut fondé par Colbert qui, par l’Édit de Nancy du 22 septembre 1673, en fixant l’enrôlement des gens de mer, instaurait une Caisse des Invalides de la marine royale destinée à secourir les marins blessés ou invalides. 

37 ans plus tard, le régime fut étendu aux marins du commerce puis aux marins-pêcheurs.

Certains estiment que les marins français bénéficièrent ainsi d'un régime de sécurité sociale pouvant être considéré comme l'ancêtre de tous les autres régimes. Ce n’était en réalité qu’une compensation pour s’assurer le service militaire des marins.

Retraite et Révolution française

Sous l’influence de la Révolution, se créa, en 1790, la caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. 

Le droit de redistribution de l’État pour services rendus faisait en effet partie des notions développées par certains penseurs des Lumières, mais c’était surtout l’aristocratie qui se sentait concernée. L’espérance de vie était de 50 à 60 ans pour la masse des Français alors que pour l'aristocratie, elle allait jusqu'à 70-80 ans. Ce sont donc eux qui réclamaient une retraite, puisqu'ils estimaient pouvoir en bénéficier. 

La Révolution française s’empara cependant de cette question sociale et des projets destinés à assurer un revenu aux personnes parvenues à un âge avancé (mais le mot « retraite » n’était pas prononcé »), virent le jour.

Par exemple, le citoyen Lafarge, en octobre 1790 aurait voulu, “pour venir au secours de la classe la plus malheureuse des citoyens“, créer des rentes viagères. Il s’agissait de “procurer à la classe indigente du peuple une ressource dans la vieillesse et les infirmités qui en sont la suite“.

Il s’agissait encore ici d’une notion floue et motivée uniquement par la charité (chrétienne ou non) et par le paternalisme. Néanmoins, peu après l’abolition de la noblesse et des titres héréditaires, le droit fondamental à l’assistance fut proclamé, au moins comme principe. 

L’épargne individuelle était considérée comme source principale de protection sociale, mais l’épargne prévoyance collective était déjà recherchée, ayant l’avantage de répartir les risques sur l’ensemble des participants. La mutualité prolongea l’effort des anciennes corporations. 

XIXème siècle

Les sociétés de secours mutuel, qui avaient succédé aux corporations de l’Ancien Régime abolies en 1791, étaient fondées sur la prévoyance collective volontaire et limitées à quelques activités et entreprises. En France, les libéraux opposant une forte résistance, n’admirent que des mesures restreintes de bienfaisance publique.

La France a connu cette phase d’assistance publique et de libre prévoyance, surtout de 1830 à 1905, en pleine période d’industrialisation.

Les premières formes de protection sociale furent donc des créations ouvrières. Face à la prise de conscience des risques – maladies, accidents du travail, vieillesse -, de nombreuses sociétés de secours mutuel naquirent. A la veille de la Révolution de 1830, ces sociétés se multipliaient encore. Elles accompagnaient le développement de la classe ouvrière et permirent d’échapper à l’aliénation de la charité pratiquée par l’Église et la bourgeoisie. Les progrès de la

conscience sociale incitèrent au passage de la solidarité à la résistance et à la lutte.

Les partisans du « radicalisme » républicain tentèrent de trouver une troisième voie entre le collectivisme et le libéralisme. C’était le début de l’ère du social, la justification de l’intervention de l’État, du fait que la division du travail accroissait la dépendance de chacun envers tous. 

Des lois spécifiques furent promulguées sur les pensions militaires (1831), les pensions civiles des agents de l’État (1853), sur la retraite des mineurs (1894).

Concernant les fonctionnaires, l’âge légal de départ fut fixé par la loi du 9 juin 1853 : Ils pouvaient partir en retraite à l’âge de 60 ans, après 30 ans de service et percevoir une pension de retraite calculée sur la moyenne des six dernières années de salaire. Les agents chargés des travaux pénibles pouvaient partir dès 55 ans, s’ils justifiaient de 25 ans de service. 

En dehors du secteur public, le développement de l’assurance vieillesse sera beaucoup plus lent. 

Parallèlement, dans l’industrie, tant en France qu’à l’étranger, un certain nombre d’industriels, paternalistes ou utopistes, mirent en place des systèmes de protection sociale afin de recruter et de fidéliser les meilleurs employés. En France on peut citer les pneumatiques Michelin, le chocolat Menier, la fonderie Godin etc.. 

Dès leur origine, les compagnies de chemin de fer avaient prévu l’attribution de pensions de retraite à leurs employés. Il fallait bien recruter une main d'œuvre fiable et docile.

1889 - Empire allemand
Création en Allemagne du premier système complet d’assurances sociales à l’initiative du Chancelier Bismarck, avec la caisse d’assurance invalidité et retraite, afin de composer avec le mouvement socialiste et ouvrier qui progressait dans l’empire.
Le système prévoit la création de caisses d’assurance sociale dont le fonctionnement est géré par les partenaires sociaux et non par l’État (comme le voulait à l’origine Bismarck, mais ce dernier a dû céder face à l’opposition du Parlement et des partis politiques). Ainsi, l’assurance accident du travail est contrôlée par les entreprises et l’assurance-maladie, par les ouvriers. Elles permirent d'obtenir une pension de vieillesse à partir de 65 ans.

L’avant-guerre de 14 en France

Les mutuelles, basées sur le volontariat et l’aide sociale concernaient une proportion trop réduite de la population, ce qui entraîna, au début du XXème siècle, des tentatives d’assurance obligatoire pour certains risques. On entrait dans l’ère de l’assurance sociale.

De 1884 à 1909, diverses professions se dotèrent de caisses de retraites.

Dans les mines, la grande loi de 1894 institua un véritable régime de prévoyance sociale obligatoire par capitalisation en faveur des travailleurs du sous-sol.

Le  Comité des Forges fonda la Caisse syndicale de retraite des Forges afin de constituer des pensions de retraite pour les ouvriers de la métallurgie. L’historienne spécialiste des entreprises Danièle Fraboulet faisait remarquer la dimension intéressée de cette initiative : "Il fallait que les ouvriers de métallurgie travaillent au moins douze ans pour en bénéficier. C'était une logique d'assurance, c'est-à-dire que le système de cotisation variait par tranche d'âge. Cette création avait pour objectif de fidéliser la main d'œuvre. La retraite était assimilée à une récompense après des années de bons et loyaux services ».

La loi du 8 avril 1898, assurant la protection des salariés de l’industrie contre les accidents du travail, fut la première loi visant à mutualiser les coûts liés à un risque.

Elle obligeait les employeurs à prendre en charge le risque lié aux accidents du travail en s’assurant. Le salarié bénéficiait d’une protection et les dommages étaient payés directement par l’employeur ou par des caisses. 

En matière d’assurance vieillesse, la loi du 5 avril 1910, dont l’application a été limitée, institua un régime d’assurance obligatoire pour les salariés du commerce et de l’industrie. 

Au début du XXe siècle, la France était cependant encore en retard sur la question de la retraite pour tous. Nos voisins allemands avaient mis en place un système de retraite obligatoire depuis 1889 déjà. La question de la rémunération des populations âgées devint de plus en plus prégnante. Le débat s’articulait autour de certains thèmes : l’idée de justice réparatrice (il n’est pas juste d’abandonner un citoyen qui a travaillé toute sa vie), la solidarité sociale (le droit à l’assistance devient un service public), et l’utilité de cette assistance, qui éviterait le vagabondage et la misère des personnes âgées.

Les députés de gauche souhaitaient aligner le statut de l’ensemble des travailleurs sur celui des catégories professionnelles qui bénéficiaient déjà d’un système de retraite. 

En 1906, le ministère formé par Clémenceau déposa un projet de loi concernant la retraite ouvrière et paysanne. Il prévoyait l’obligation pour les travailleurs de cotiser chaque année à raison de 2 % du salaire, sauf pour ceux qui gagnaient moins de 1,50 franc par jour. Le versement patronal était du même montant et l’État complétait la somme afin de pouvoir assurer 360 francs par an à chaque retraité. Le droit à la retraite était reconnu à tout ouvrier ayant atteint les 60 ans et ayant cotisé 30 ans.

En 1910, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes fut enfin votée, mais l’âge de la retraite était repoussé à 65 ans. La cotisation ouvrière était portée à 18 francs pour les hommes, 12 francs pour les femmes, avec une cotisation équivalente pour l'employeur et intervention de l’État pour le paiement d’une prime de 60 francs. Les fonds étaient gérés par une Caisse nationale des retraites pour la vieillesse ou par la Caisse des Sociétés de secours mutuel.

 

Qu’en disait Jaurès ? 

“Camarades, ne vous y trompez pas, ce n’est pas à l’heure où il arrive à l’heure de la retraite, ce n’est pas seulement à 60, 65 ans, que le vieil ouvrier a ce réconfort, c’est quand il voit la suite de la vie. Aujourd’hui, quand l’ouvrier de 40 ans voit passer à côté de lui un vieux de 60 ans sans abri, sans travail, sans retraite, mendiant, (...) il se dit : "C’est comme cela que je serai dans quelques années", et il y a vers lui un reflux d’abjection... Dès demain, si vous le voulez, par le vote immédiat de la loi, et par l’effort d’amélioration que nous ferons tout de suite, dès demain, tous les vieux relèveront le front, et tous les jeunes, tous les hommes mûrs se diront du moins que la fin de la vie ne sera pas pour eux le fossé où se couche la bête aux abois." 

Jean Jaurès, discours du 8 février 1910, à Nîmes, lors du Congrès de la SFIO consacré à la loi sur les retraites ouvrières.

La mesure n’avait cependant qu'une faible portée : 1,8 millions de cotisants sur 8 millions de travailleurs concernés. La loi de 1912 instaura une prime de 100 francs versée par l’État, avec majoration de 10 % par enfant au-delà du troisième. Il ne faut pas s’y tromper : à cette époque, la politique en faveur de la vieillesse cherchait surtout à lutter contre la baisse de la natalité et les effets du vieillissement.

 Entre deux guerres en France

Au début du XXème siècle, l’État français avait donc mis en place une assistance gratuite aux vieillards et infirmes, quelques années avant de proposer, en 1910, un droit à la retraite pour les ouvriers et les paysans, qui fut rapidement écarté. 

Une deuxième tentative en 1928 n’eut guère plus de succès. 

Les lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930 mirent en place une assurance pour les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès pour les salariés titulaires d’un contrat de travail et la loi du 30 avril 1928 un régime spécial pour les agriculteurs.  C’était les premières lois fortes sur l’assurance sociale.

La crise économique de 1929, permit en 1930 d’imposer un premier régime obligatoire pour les salariés en dessous d’un certain seuil. 

De 1920 à 1940, les résultats obtenus par une minorité de travailleurs allaient se diffuser à l’ensemble des salariés, voire de la population. La crise économique des années 30 mit l’accent sur le risque de chômage. Les théories keynésiennes justifièrent les interventions de l’État et la distribution des revenus de remplacement. Les assurances sociales créées à cette époque devinrent obligatoires.

La guerre 1939-1945, ruinant les retraites par capitalisation, obligea les gouvernements à réfléchir à un système généralisé de retraite beaucoup plus solidaire. 

Royaume Uni : 

Les Anglais, sous l’impulsion de lord Beveridge mirent en place en 1942 un système de retraite financé par l’impôt délivrant une retraite minimale. Il préconisait que chaque citoyen en âge de travailler paie des charges sociales en échange de quoi il recevait des prestations en cas de maladie, de chômage et de retraite, et ce, afin de garantir à chacun un niveau de vie minimum en dessous duquel personne ne devrait tomber. Son deuxième rapport, en 1944, insistera sur le fait que la mise en place d’un système efficace de protection sociale nécessiterait le plein-emploi ! Dans le modèle beveridgien, partisan d'une protection sociale généralisée, basée sur la solidarité, indépendamment de toute activité professionnelle, la protection sociale était gérée par l'État, financée par l'impôt et reposait sur le principe de solidarité nationale. Les retraites assureraient aux retraités un revenu minimum. Les pensions versées ne dépendant pas de l'activité professionnelle antérieure.

En moyenne, un salarié sur deux en Europe disposait d’une assurance vieillesse & chômage en 1940. À la Libération, en France, les assurances sociales avaient sept millions de cotisants et un effectif de bénéficiaires deux fois supérieur (ayant droits et jeunes). Le financement était assuré par une cotisation de 8%, retenue à la source (4% pour les salariés et 4% pour les employeurs).

Les retraites étaient basées sur la capitalisation, ce qui présentait l’inconvénient de reporter à un terme lointain la liquidation des pensions à taux plein, vers les années 60. 

On passera à la répartition en 1941. Parallèlement aux assurances sociales, le Patronat va mettre en place les allocations familiales au bénéfice des salariés en charge d’une famille. 

Au total, à la sortie de la deuxième guerre mondiale, le système de protection sociale était donc encore incomplet, sans couverture chômage et présentait de nombreuses lacunes (prestations santé insuffisantes, niveau faible des retraites).

Le tournant de 1945 : création de la sécurité sociale et mise en place du système par répartition en France.

De même que le système assurantiel créé par Bismarck dans les années 1880 avait résulté d’une lutte politique acharnée entre le chancelier, le Parlement et les partis politiques, la Sécurité sociale française résulta au moins autant d’un dosage politique entre les forces en présence dans le Conseil national de la résistance (des communistes aux gaullistes) et des corporations de l’époque que d’une vision politique en matière sociale. 

Ce fut néanmoins une étape clé dans l’histoire sociale du pays. 

1944/45 - Laroque, un haut fonctionnaire, fut chargé en septembre 1944 de proposer le Plan français de protection sociale, lequel sera mis en oeuvre par Ambroise Croizat, ministre communiste du travail de Charles De Gaulle . 

Ambroise Croizat

Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 instituèrent la création d’un régime général de Sécurité sociale qui s’accompagnait d’une assurance vieillesse à laquelle tous les salariés étaient obligatoirement assujettis. Ce système fonctionnait par répartition : les pensions des retraités seraient payées par les cotisations des actifs qui, ce faisant, se constituaient aussi des droits pour leurs futures retraites. Les droits à la retraite étaient ouverts à l’âge de 60 ans, après 30 ans d’activité. La pension représentait alors 20 % du salaire de référence, à savoir la moyenne des dix meilleures années. Elle augmentait de 4 % par année de service supplémentaire, de sorte qu’à 65 ans, le taux était de 40 %.

L’ordonnance du 4 octobre 1945 spécifiait : "Il est institué une organisation de la Sécurité Sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent...". 

 

La répartition devenait source de solidarité entre les générations : Les cotisations des actifs serviraient à payer immédiatement les retraites, tout en leur ouvrant des droits pour leur future retraite. Le principe d’une retraite pour tous était enfin acquis, mais dans les faits, la situation des retraités demeurait assez précaire. 

 

Pour faire face à l’inflation, ou par idéologie, les professions indépendantes se dotèrent de leurs propres caisses de retraites complémentaires : l’Agirc pour les cadres, l’Arrco pour les salariés (les deux ont fusionné début 2019), la CNAVPL pour les professions libérales, la Cancava pour les artisans, l'Organic pour les commerçants et les industriels… 

 

De Croizat à Mitterrand

1946 - La Loi du 22 mai étendait le bénéfice de la Sécurité Sociale à l’ensemble de la population. 

Le préambule de la constitution de la IVe République du 27 octobre reconnaissait le droit de tous « notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

1947 - Une loi du 8 juillet 1947 tenant compte de l’hostilité d’une partie de l’opinion publique, abrogea la Loi du 13 septembre 1946 qui prévoyait l’extension d’une même sécurité sociale à tous les Français. Une Convention collective fut signée avec l’AGIRC créant les retraites complémentaires pour les cadres du commerce et de l’Industrie. 

1948 - La Loi du 17 janvier accorda aux professions non salariées les régimes autonomes d’assurance vieillesse. Les industriels et commerçants auront une caisse de compensation avec une série de caisses interprofessionnelles locales.

1949 - Création du régime de retraite des agents non titulaires de l'État qui deviendra l’IRCANTEC en 1971. 

1956 - Création du Fonds National de Solidarité (FNS). L’État créait le minimum vieillesse : toute personne de plus de 65 ans avait droit à un montant minimal de ressources. 

1961 - Création de l’ARRCO, pour fédérer les régimes de retraite complémentaire conventionnels institués en faveur des salariés non-cadres du secteur privé. 

1967 - Les ordonnances du 21 août 1967 prévoyaient notamment la création de 3 caisses autonomes dont la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV). 

1972 - La durée de cotisation passa de 30 à 37,5 ans pour bénéficier d’une pension entière. 

Jusqu’au début des années 1960, le montant des retraites resta faible, car la durée des cotisations de la plupart des retraités n’était pas encore assez longue, comme le rappelait Christophe Capuano,"Les personnes âgées constituent la population la plus pauvre de la société française jusque dans les années 1970. Et c'est avec le relèvement du minimum vieillesse, le relèvement des retraites, qu'on va réussir à sortir ces populations de la pauvreté. En 1960, 40 % des personnes âgées touchent le minimum vieillesse. En 2004, ils n’étaient plus que 4% à le toucher ».

Dernier progrès avec la gauche et Mitterrand en 1982

La dernière avancée dans le sens du progrès humain fut le 25 mars 1982 l’adoption par ordonnance de la loi sur l’avancement du départ à la retraite à 60 ans, au lieu de 65 ans auparavant… et sous réserve d’avoir cotisé 37 ans et demi pour les salariés du public et du privé. François Mitterrand, une fois élu à l’Elysée, tint son engagement. Cet engagement était d’ailleurs écrit en toutes lettres dans le Programme commun de gouvernement signé par le Parti Socialiste avec le Parti Communiste Français (p.55). 

 

Contre-réformes de droite

L’histoire des retraites est entrée depuis lors dans une nouvelle phase, celle des réformes réactionnaires (on en compte 5 ou 6, soit une tous les 6 ans environ) et des mouvements sociaux qui les accompagnent systématiquement.

Au nom de l’équilibre financier, mais aussi pour faire face au vieillissement de la population, les réformes des retraites menées ces dernières années tournent, schématiquement, autour de trois options :

  1. Baisser le niveau des retraites. C’est le choix fait par le gouvernement Balladur en 1993, en liant le niveau des pensions non plus sur les salaires, mais à l’inflation.
  2. Augmenter les recettes. Lionel Jospin tente de le faire en 2001, en créant le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont la mission était d’accumuler quelques 150 milliards d’euros jusqu’à 2020, afin d’amortir le choc des départs à la retraites des baby-boomers. Mais en juin 2010, cette cagnotte est employée pour renflouer la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
  3. Travailler plus longtemps, réduire la période pendant laquelle on touche une pension. Une orientation prise par Nicolas Sarkozy en 2010, en reculant l’âge symbolique du départ à la retraite de 60 à 62 ans, et l'âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein de 65 à 67 ans.

La retraite à 60 ans à taux plein est remise en question 8 ans après sa mise en oeuvre par Mitterrand, en 1991, avec la sortie du livre blanc sur les retraites, ouvrage préfacé par le Premier ministre de l’époque Michel Rocard. Parmi les pistes de réforme, l’allongement de la durée de cotisation.

Michel Rocard

Cette durée est effectivement allongée en 1993, mais uniquement pour le secteur privé. L’annonce est faite par Edouard Balladur, Premier ministre de droite lors de la 2ème cohabitation sous François Mitterrand. La réforme Balladur est adoptée le 22 juillet 1993. 

Édouard Balladur

10 ans plus tard, en 2003 la durée de cotisation du public sera alignée sur celle du privé. C’est la réforme Fillon. Elle n’est acceptée que par la CFDT.

1995 : plan Juppé 

En novembre 1995, sous la présidence de Jacques Chirac, son Premier ministre de droite, Alain Juppé, présente un plan de redressement de la Sécurité sociale, comportant une réforme des retraites des agents de l'État et des services publics.

Alain Juppé

Les fonctionnaires observent plusieurs jours de grèves. Trains et métros sont paralysés pendant plus de trois semaines. Alain Juppé renonce aux mesures sur les retraites mais maintient le reste de son plan.

2007 : régimes spéciaux

Nicolas Sarkozy

La première réforme des retraites du quinquennat de Nicolas Sarkozy concerne les régimes spécifiques des sociétés de service public (EDF, GDF, SNCF, RATP, Banque de France, etc.) ainsi que les professions à statut particulier (clercs de notaires, élus et employés parlementaires).

Pour ces salariés, la durée de cotisation passe à 40 ans. La réforme est menée avec plus de “diplomatie“ pour ne pas répéter l'échec de 1995.

2010: réforme Woerth

Éric Woerth

Du nom d'Éric Woerth, ministre du Travail de droite, cette réforme met fin au principe de la retraite à 60 ans, héritage de François Mitterrand. Très impopulaire, la seconde réforme des retraites de la présidence Sarkozy provoque manifestations massives et blocages.

L'âge légal de départ est reculé de deux ans, passant progressivement à 62 ans. Il en va de même pour l'âge du départ à taux plein (67 ans en 2022).

La réforme étend le dispositif carrières longues à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, permettant des départs anticipés.

2014: réforme Touraine

Marisol Touraine

Portée par la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, sous la présidence de François Hollande, cette réforme inscrit dans le temps le principe de l'allongement de la durée de cotisation pour l'obtention d'une retraite à taux plein.

Cette durée est relevée d'un trimestre tous les trois ans de 2020 à 2035 pour atteindre 172 trimestres (43 ans) pour les générations 1973 et suivantes.

Un compte personnel de pénibilité est instauré pour permettre à ceux qui exercent des métiers difficiles d'anticiper leur départ.

Décriée de tous les côtés, la réforme passe tout de même au Parlement.

“C’est une réforme brutale et injuste, car elle pénalisera les carrières longues », expliquait alors Jean-Luc Mélenchon au micro de Public Sénat.

Appuyée par deux rapports du Conseil d’orientation des retraites et du Comité de suivi des retraites, Marisol Touraine se voulait rassurante sur l’impact de la réforme, deux ans après la promulgation de la loi.

Macron 1er/1er stade

Un premier projet de réforme avait pour ambition en 2021, de faire passer à un système de retraite à points qui aurait ouvert la porte à l’abandon du système par répartition au profit d’un système par capitalisation. (Rappelez-vous la démission de Jean-Paul Delevoye, nommé haut commissaire aux retraites par Macron, convaincu de conflits d'intérêts pour avoir “omis“ de déclarer à la Haute Autorité pour la transparence, une bonne dizaine de mandats).

Progressivement, le projet de réforme, mis à mal par les nombreux mouvements sociaux et la crise sanitaire du Covid, évolua. 

En novembre 2021, pour Emmanuel Macron, les trois objectifs de la réforme étaient :

  • D'instaurer un minimum retraite à 1 000 euros pour toute carrière complète ;
  • De repousser l'âge légal de départ ;
  • De supprimer les régimes spéciaux.

Tout ceci au nom bien sûr, de l’équilibre financier sans tenir aucun compte des besoins des gens ni de la répartition des richesses produites.

 

Et la dernière mouture : la réforme Macron 2ème édition !

Depuis la réélection (toujours “castorisée“) d'Emmanuel Macron à la présidence de la République en mai 2022, le projet de contre réforme des retraites est revenu. Il s’agirait cette fois de “sauver notre système par répartition en lui évitant une débâcle financière dans les années à venir. Car, d’après le COR (Conseil d’Orientation des Retraites), chargé de surveiller les comptes, le système des retraites, qui était excédentaire en 2021 de 3 milliards et le sera encore en 2022 de plusieurs centaines de millions, deviendrait -hypothétiquement -déficitaire à partir de 2023 et pour moins de 10 ans au moins, redevenant positif vers 2033 (à ce sujet, l’économiste Thomas Porcher rappelle que les prévisions faites par le COR en 2013 prévoyaient 20 milliards de déficit en 2022, alors que le solde 2022 est en fait largement positif et elles sont donc à prendre avec des pincettes). 

L'ONG Oxfam explique que taxer d'à peine 2% la fortune des milliardaires Français permettrait de stabiliser notre système de retraites.

Mais d’après Macron et sa Première Ministre Borne, pour sauver ce système, donc, il faudrait :

  • Reporter de 4 mois chaque année l'âge légal de départ à la retraite à partir de 2023, le portant à 64 ans en 2032
  • La supprimer certains régimes spéciaux pour les nouveaux entrants, notamment à la RATP et au sein des industries électriques et gazières (IEG) 
  • Instaurer un minimum de pension de retraite à 85% du Smic net pour une carrière complète soit environ 1 130 euros actuellement (le Smic est de 1329 euros par mois). 

Ce sont ces mesures qui vont être soumises au Parlement et adoptées par une majorité En Marche/LR/RN si nous ne sommes pas capables de les remettre en cause par la pression sociale des manifs et des grèves, alors que 70% des gens y sont opposés.

A contrario, voici les mesures demandées par la France insoumise (et la NUPÉS) : 

  • Mettre en place d'un dispositif de carrière longue et de pénibilité. Restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour 40 annuités de cotisations
  • Porter a minima au niveau du SMIC – revalorisé (à 1600€) – toutes les pensions pour une carrière complète, et le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté
  • Prendre en compte le revenu de solidarité active (RSA) pour valider des trimestres en vue de la retraite
  • Augmenter de 0,25 point par an durant le quinquennat le taux de cotisation vieillesse et soumettre à cotisation les revenus d’intéressement, de participation, d’épargne salariale, ainsi que les revenus financiers des entreprises
  • Indexer le montant des retraites sur les salaires
  • Interdire au Fonds de réserve pour les retraites d’investir dans des secteurs polluants

     

 

Écoutez ce qu'en dit le politologue Clément Viktorovitch :

Visionnez cette vidéo de Clémence Guetté :

Les retraites par leur histoire

Et pour approfondir encore l'histoire des retraites, lisez cette note (ci-dessous) écrite par Isabelle d'Artagnan, Marc Bélissa, Paul Mayens, Léo Rosell, Jean Vigreux pour l'institut La Béotie :

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