237 milliards dont les Grecs ne verront pas la couleur
La zone euro a accouché aux forceps mardi d'un nouveau plan de sauvetage record, atteignant potentiellement 237 milliards d'euros pour la Grèce.
Que dit ce plan? La même chose que les précédents : une prise en charge de la dette pour les banques privées et le pistolet sur la tempe pour le peuple grec qui va voir une nouvelle fois ses retraites amputées et son salaire minimum légal diminué.
Le plan d'aide comprend d'une part un volet d'aide publique - des prêts, pour l'essentiel - et un volet sur l'effacement de la dette de la Grèce détenue par ses créanciers privés, banques et fonds d'investissement.
Rien en somme qui pourra casser la spirale infernale en place depuis 5 ans et qui enfonce mesure après mesure la Grèce dans une torture sans fin. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce plan va faire empirer la situation.
Le peuple grec ne verra pas le moindre euro de ce nouveau « plan de la dernière chance ». Les seuls qui en bénéficieront seront toujours les mêmes: les banquiers.
Le pistolet sur la tempe
En quoi consiste « l’accord » côté peuple grec ?
1 – Salaires :
- Diminution du salaire minimum de 22% (Convention collective de travail/ CCT ; accords professionnels et sectoriels).
- Diminution supplémentaire du salaire minimum pour tout nouvel embauché de 10%, en plus de la diminution de 22%, à savoir une baisse de 32%.
- Suppression des conventions de branche.
- Gel des salaires jusqu’en 2015.
- Les emplois à temps plein peuvent être transformés en emploi à temps partiel, sur décision du patron.
- Les augmentations automatiques de salaire basées sur l’ancienneté sont suspendues tant que le chômage ne descendra pas en-dessous de 10% ; de fait elles sont abandonnées.
- Les conventions collectives auront une durée maximale de 3 ans.
- Toutes les conventions collectives qui s’appliquent aujourd’hui expireront une année après l’adoption du nouveau mémorandum.
- Révision de la nouvelle CCT d’ici la fin juillet afin de s’aligner sur le salaire minimum des pays concurrents (Portugal, Turquie, Europe centrale et du sud-est).
- Suppression du recours unilatéral à l’arbitrage de commissions paritaires.
2 – Retraites – contributions sociales :
- Diminution des pensions de 300 millions d’euros par an. Les nouvelles baisses toucheront à la fois les pensions de base et complémentaires.
- De nouvelles baisses dans les retraites de base de plusieurs fonds de pension qui vont s’appliquer rétrospectivement à partir du 1er janvier 2012.
- Fusion de tous les fonds de pension complémentaires d’ici juin 2012 ; (mise sur pied d’une étude qui conduira à de nouvelles coupes dans les pensions complémentaires et des primes de départ à la retraite.)
Baisse de 2% des cotisations sociales patronales avec suppression des cotisations pour l’Organisme du logement ouvrier et des allocations sociales. Ces organisations vont fermer leur portes.
- Nouvelle baisse des cotisations que les patrons vont payer pour l’IKA (le plus grand fonds de pension des travailleurs du privé) à partir du 1er janvier 2013, de 3% ;
3 – Employés du secteur public, des anciennes entreprises et banques publiques
Suppression des emplois stables dans les anciennes entreprises et banques publiques et baisse des salaires.
Nouveaux licenciements de 15 000 fonctionnaires en 2012, à travers le dispositif de la « réserve de main d’œuvre ».
Réduction du nombre de travailleurs du secteur public, travaillant avec des contrats temporaires, par le non-renouvellement des contrats.
Coupes de 636 millions d’euros des salaires des employés du secteur public payés selon une échelle de salaires spécifique d’ici la fin juillet 2012.
Nouvelles coupes dans les salaires du secteur public par la révision de l’échelle des salaires.
Suppression de 150 000 postes de fonctionnaires d’ici 2015, et non-remplacement de 4 fonctionnaires sur 5.
Diminution du nombre général de nouvelles recrues dans les académies (armée, police) qui garantissait un emploi automatique dans le secteur public.
Fermeture d’organisation et d’entités publiques d’ici juin 2012.
4 – Nouvelles mesures en 2012 :
Réduction des dépenses dans le secteur de la santé de 1,1 milliards d’euros.
Coupes dans une série d’allocations sociales, en adoptant des critères de revenu.
Baisse des allocations pour les familles avec plus de 3 enfants.
Baisse des dépenses de fonctionnement et de consommation de l’État de 300 millions d’euros.
Coupes dans plusieurs entités sous contrôle des ministères de l’Éducation et de la Culture de 200 millions d’euros.
Réduction des dépenses sur les heures supplémentaires pour les médecins dans les hôpitaux, de 50 millions d’euros.
Diminution du budget des Programmes d’investissement public de 400 millions d’euros.
Baisse des dépenses sur les équipements militaires pour la défense du pays
Un nouveau système fiscal en juin 2012 supprimera une série d’exemptions fiscales qui restent au bénéfice de certaines catégories de travailleurs. D’importantes exonérations fiscales seront concédées au grand capital.
Le plus tragique est que cette cure d'austérité, violente et drastique, que l'Europe libérale veut imposer au peuple grec, aura un effet contre-productif. Au lieu de sortir leur pays du marasme, elle provoquera un choc récessif qui va l'enfoncer. Les Grecs doivent donc se sacrifier… pour rien.
Le prix nobel 2008 lui-même s’interroge
"La politique d'austérité fait pression sur l'économie, en supprimant tous les avantages fiscaux, les revenus se retrouvant en chute libre, tout comme le PIB, de sorte que le rapport entre dette et PIB se détériore encore davantage", écrit M.Krugman dans son blog sur le site du New York Times.
Selon le prix Nobel d'économie, "on suppose qu'une nouvelle dose de rigueur n'affectera pas trop la croissance économique, mais ce n'est que le triomphe de l'espoir sur l'expérience".
M.Krugman ne ménage pas ses critiques envers la rigueur imposée à Athènes, en jugeant qu'un plan de relance eut été plus profitable à l'économie grecque qu'une austérité plongeant les Grecs dans la pauvreté.
Il n'est pas le seul à commencer à s'apercevoir que les ficelles sont trop grosses ! Voir l'article du Courrier international, "Comment Wall Street a aidé la Grèce à tricher".
Quel espoir politique ?
Un sondage sème la panique au sommet de l'Europe: la Grèce est en train de basculer à gauche. Totalement révoltés par les conditions imposées par l'Europe, les Grecs sont en train de renverser la table. Ils délaissent les partis politiques traditionnels qui ont voté le programme d'austérité au Parlement pour aller vers les partis qui refusent l'accord européen.
Selon un sondage du 15 février, le parti de la gauche démocratique fait une percée spectaculaire, à 18 %. A ses côtés, le parti communiste grec (KKE) et la coalition de gauche radicale (Syriza) sont à respectivement 12 % et 12,5 %. Au total, ces trois partis de gauche, qui ont refusé de cautionner le programme de la Troïka, recueillent 42,5 %.
En face, la nouvelle démocratie (droite) stagne avec 31 %, tandis que le Pasok (socialiste) s'effondre avec moins de 8 %.
Conséquence, la grande démocrate Angela Merkel est intervenue auprès du gouvernement grec pour faire repousser les élections législatives prévues en avril… aux calendes grecques, cela va de soi.