Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Rue du Blogule Rouge Insoumis

Rue du Blogule Rouge Insoumis

Dans la rue du blogule rouge on s'intéresse à toutes les affaires de la cité et des citoyens.

Publié le par ruedublogulerougeinsoumis
Pollution à Casse-Mortier

CDA de La Rochelle en plaine d'Aunis

 

Nous sommes dans la lisse plaine d'Aunis. Des ondulations molles, des haies rares, des champs sans fin, agrandis à perte de vue par le remembrement du milieu du siècle dernier. Des cultures industrielles, blés, maïs, tournesols, parfois colzas, ont remplacé désormais les vignes qui couvraient cette province avant le phylloxéra.

Las, pour cette agriculture d'exportation de nos jours ici pratiquée, il y a besoin de plantes normées, calibrées, pour rentabiliser les investissements effectués. Et pour cela, pas d'hésitation, il faut suivre les préceptes de l'agro-industrie et donc désherber et utiliser toutes sortes de pesticides, herbicides, glyphosates ou autres joyeusetés !

 

Disséminés dans cet environnement agricole et chimique, les villages aunisiens y sont devenus pour la plupart de grands dortoirs pavillonnaires à l'horizontale, proximité de La Rochelle oblige. Qualité de l'air et qualité de l'eau dans ces bourgs concernent au premier chef leurs habitants, tous ces nouveaux ruraux urbanisés qui dorment à la campagne bien que la plupart de leurs activités, travail, loisirs, achats se passent en ville, à La Rochelle.

 

Dans ces paysages un peu déprimés, quelques bouts de haies ont malgré tout perduré et quelques rares arbres font de la résistance, tel celui, isolé, au milieu de nulle part, qu'on appelle “le grand chêne“ aux confins des communes de Clavette, La Jarne et Saint-Rogatien.

Le “grand chêne“ de Clavette a 200 ansLe “grand chêne“ de Clavette a 200 ans

Le “grand chêne“ de Clavette a 200 ans

Casse-Mortier

 

C'est là, à quelques encablures en aval d'une ancienne déchèterie maintenant oubliée, mais qui avait, à une époque pas si lointaine, défrayé la chronique, en raison des futs de polluants qui y avaient été déposés en douce par des malappris et désormais recouverte d'un accueillant tertre de verdure,

c'est là donc, sur la commune de Clavette, que se trouve le captage d'eau dit de Casse-mortier, lequel fournit en eau une partie de la consommation des usagers de trois ou quatre communes alentours, La Jarrie, Salles-sur-Mer, Clavette et Croix-Chapeau.

Le captage de Casse-Mortier

Le captage de Casse-Mortier

Casse-mortier ? Quel curieux nom ! C'est celui suggéré par les terres en amont, “les Mortiers“.

C'est aussi celui d'une propriété sise à proximité, dans la commune de Saint-Rogatien. D'abord relais de poste et, dit la petite histoire, ayant appartenu à François de Montbron, seigneur d'Esnandes, lequel y fut arrêté en 1642 et condamné à la décapitation pour banditisme de grand chemin, mais vit sa peine commuée en perpétuité. Prisonnier dans la tour Saint-Nicolas à La Rochelle, cherchant à s'évader, il se tua en s'écrasant à terre, sa corde pour faire la belle ayant cédé sous son poids 20 mètres trop tôt. Ce fut le premier malheur de Casse-Mortier ...

La maison aux volets verts, comme on l'appelait, fut ensuite utilisée comme ferme, puis comme Centre Aéré, avant de redevenir une résidence un peu isolée pour trois familles.

Pollution à Casse-Mortier

Il est intéressant de noter qu'un large et profond fossé longe la maison. Il sert à drainer les eaux de pluie du bassin versant dont l'amont est justement en direction du captage du même nom.

Il a été re-calibré et très agrandi, il y a quelques années, à la suite d'inondations ayant coupé la route de La Jarne à Saint-Rogatien et il se prolonge vers l'aval jusqu'au captage de Varaize (qui fournit La Rochelle en eau), sur la commune de Périgny où il alimente parfois la “rivière de Varaize“, limite des communes de Périgny et d'Aytré, ruisseau qui se jette dans la Moulinette, cours d'eau qui ensuite s'étire entre Aytré et Villeneuve-Les Salines avant de se jeter, ouf !, dans le bassin de rétention dont l'exutoire est, via le canal Maubec, le port de La Rochelle.

Et oui, l'eau, ça va toujours quelque part et ce quelque part est le plus souvent la mer. Quant à l'eau polluée, ne suit-elle pas le même chemin ?

 

Une partie du fossé de drainage

Une partie du fossé de drainage

Le captage de Casse-Mortier

 

Revenons en amont, au captage de Casse-Mortier lui-même. Surtout depuis que des pancartes “ sens interdits sauf riverains, engins agricoles et cyclistes“ ont été installées sur le réseau de chemins vicinaux qui l'entourent, il n'est guère fréquenté que par quelques techniciens, des agriculteurs, des joggueurs ou des promeneurs de chien.

 

 

Un jour de janvier 2020, voici ce dont un promeneur, passant devant le captage, a été témoin :

Ce rejet pour le moins incongru, effectué dans la nature depuis un point de captage au moyen d'un simple tuyau, a considérablement alarmé une association de Saint-Rogatien mise au courant. L'Association “Avenir Santé Environnement“ a donc réalisé la vidéo ci-dessus afin de montrer ce qu’il en était et a demandé des explications à la Communauté d’Agglomération de La Rochelle.

 

C'est ainsi qu'une partie du pot aux roses a été découverte et que l'alerte a véritablement été lancée.

Pollution

 

Oui, une pollution avait bien affecté ce captage et par voie de conséquence le réseau d'eau qu'il alimente ! Le système était donc en train d'être purgé -d'une manière pour le moins étrange (pour ne pas dire illégale?) - D'ailleurs le château d'eau de Croix Fort (Clavette) lui-même devrait être vidangé, car il y avait pollution aux pesticides, en l'occurence un excès de chlortoluron.

Château d'eau de Croix-Fort

 

Qu'est-ce que le chlortoluron ? C'est un herbicide utilisé sur les cultures de blé. Cette substance est hautement toxique et classée cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction mais pourtant autorisé en France.

Chlortoluron

Figurez-vous que, s'il en a été acheté un peu moins en 2019 sur le secteur de Clavette qu'en 2018, mais quand même respectivement 1511 kg et 2811 kg, au total, pour les 5 dernières années, 14 622 kg ont, semble-t-il, été épandus à Clavette et environs.

 

Et le chlorloturon n'est pas le seul pesticide en cause ! Bien d'autres sont utilisés sur le secteur de Clavette (comme ailleurs) : dans le même temps, 5420 kg de glyphosate, 5426 kg de prosulfocarb et 785 kg S-métachlore ont aussi été achetés par les agriculteurs du secteur de Clavette.

 

Parmi les pesticides retrouvés dans les analyses d'eau du captage de Clavette le métolachlore ESA est un produit qui, bien que largement utilisé, est si dangereux qu'il a été interdit à la mise sur le marché dès 1991.

 

Au total, au moins 60 produits chimiques sont utilisés dans le secteur, dont certains sont extrêmement dangereux. Combien sont recherchés dans les analyses d'eau dite “potable“ ?

 

Car c'est bien une analyse effectuée fin décembre 2020 lors d’un contrôle sanitaire par le laboratoire Qualyse pour l’ARS (Agence Régionale de Santé) qui a provoqué la découverte de ce désastre en détectant une pollution liée probablement à “un déversement important de pesticide ou d'un herbicide“ (en fait plusieurs pesticides et plusieurs herbicides ont été détectés en quantité surabondante et dangereuse !). Les seuils d'alerte avaient été largement dépassés.

 

Ce n'est pourtant que début janvier 2020, que l'ARS a demandé à ce que l'eau ne soit plus distribuée et que soient purgés à la fois le château d'eau et l'eau brute de la zone de captage. Donc, la pollution détectée dès la fin décembre 2019, n'a été prise en compte par l'ARS que le 4 janvier 2020.

Ce qui pose une première question qui fâche : pendant combien de jours en 2020 et 2021 les habitants desservis par ce réseau ont-ils reçu de l'eau contaminée au robinet de leur logement ?

 

Plainte contre x

 

Aucune recherche de responsabilité n'a été effectuée. Aucune enquête n'a été diligentée, et les gérants du site, passés et actuels se renvoient la patate chaude.

En effet, nous sommes en pleine passation de pouvoir, la régie communautaire de la CDA de La Rochelle allant, pour la gestion de l'eau sur son territoire, succéder au syndicat des eaux de la Charente-Maritime. C'est pourquoi son président, Jean-François Fountaine, face au scandale qui enflait, s'est dédouané “aussitôt“ (en septembre 2021) en pointant du doigt Eau 17 qui n'a jamais, selon lui, fait le nécessaire pour établir une zone de protection dans le périmètre du captage.

Par ailleurs, deux associations, “Nature Environnement 17“ s'étant jointe à “Avenir Santé Environnement“, ont porté plainte en justice contre X pour les faits de pollution aux pesticides. « L' eau contaminée, indiquent les deux associations, a été distribuée, dans le réseau d’eau potable pendant douze jours, du 24 décembre 2020 au 4 janvier 2021, date à laquelle l’ARS a ordonné l’arrêt du captage et la vidange du réseau. »

 

Captage et château d'eau locaux fermés il a donc fallu mettre en action l'interconnection des réseaux d'eau du département pour alimenter en eau les usagers du coin.

Dépollution ou fermeture définitive ?

 

La balle est maintenant dans le camp de la toute nouvelle Régie communautaire des eaux de la CDA de La Rochelle, nouvelle gestionnaire.

 

Que faut-il faire ?

Le captage de Clavette est désormais impropre à la production d'eau potable et sans mesures de protection importantes, complexes et coûteuses il devra rester fermé. Faudra-t-il alors le fermer définitivement comme 100 autres captages l'ont déjà été dans le département ces dix dernières années ? La pollution par les pesticides et les nitrates n'en n'a pas pour autant été diminuée. Ce n'est évidemment pas en cassant le thermomètre qu'on résoudra le problème !

Sa fermeture définitive serait un renoncement à changer les pratiques agricoles et s'apparenterait à un véritable permis de polluer. Serait-il normal que les usagers continuent à payer pour la dépollution de leur eau tandis que les facteurs de pollution pourraient légalement perdurer ?

Pour un changement radical de politique

 

À Clavette ou ailleurs, et particulièrement autour des captages pour l'eau potable, comme celui de Casse-Mortier, seule une conversion à l'agriculture biologique pourrait améliorer la qualité de la ressource en eau potable.

 

Il faudra donc que la nouvelle régie communautaire intègre une politique d'incitation -a minima- à de nouvelles pratiques agricoles vertueuses excluant les intrants chimiques et qui, au lieu de se tourner vers l'exportation au loin des produits agricoles, changeant complètement de paradigme, assurent l'approvisionnement alimentaire de la population à proximité.

Elle ne pourra le faire que si elle s'appuie sur une volonté politique, inspirée et soutenue par les citoyens, de réformer nationalement l'agriculture, de se donner les moyens de multiplier pour ce faire le nombre des agriculteurs bio et aussi sur une interdiction du glyphosate et une planification de la réduction drastique des pesticides (et des engrais) en France.

C'est d'ailleurs là entre autres, ce que préconise avec force et intelligence, l'Avenir en Commun, le projet présidentiel de Jean-Luc Mélenchon.

 

 

 

 

 

Commenter cet article

Articles récents

Rue du blogule Rouge insoumis annonce la couleur : c'est rouge !

Hébergé par Overblog